DOCTRINE

 

Code de procédure Pénale

 

Chapitre I

Dispositions générales

Section I

 

 

Dispositions introductives

 

 

Référence : Michel LEBEL, Jocelyne ROY, « Titre I : La procédure et la preuve », Collection de droit, École du Barreau du Québec, 2012, Volume 11-Droit pénal : procédure et preuve, Chapitre VIII, Ressource en ligne CAIJ.

 

« Introduction » 

 

« Le Code de procédure pénale [1] remplace une loi de 1922 ayant tenu lieu depuis de « code de procédure » pour la poursuite des infractions pénales édictées par les lois et les règlements du Québec, soit la Loi sur les poursuites sommaires [2] . Cette dernière loi était complétée par un si grand nombre de dispositions dispersées dans différentes lois particulières que le juge en chef du Canada de l’époque avait qualifié cet état de « fouillis inextricable » [3] .


« L’avènement du code n’a évidemment pas fait disparaître la nécessité de vérifier dans les lois sectorielles s’il s’y trouve quelque disposition particulière en matière de procédure, de preuve ou de prescription [4] . Ainsi devra-t-on, par exemple, se référer aux lois particulières en ce qui touche la complicité ou les différentes manières d’engager sa responsabilité pénale, c’est-à-dire de devenir partie à une infraction ». En effet, on chercherait en vain au Code de procédure pénale une disposition analogue à l’article 21 C.cr. [5] qui prévoit qu’est « partie à une infraction » la personne qui encourage quelqu’un à la commettre, accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre ».


« Ce code représente néanmoins une amélioration très marquée par rapport à ce qui existait auparavant, puisqu’on peut dorénavant y trouver la majeure partie des règles de preuve et de procédure d’application courante. Elles y sont regroupées de façon cohérente, dans un langage que les auteurs du code ont voulu accessible et simple. »


« À l’instar du
Code de procédure civile, le Code de procédure pénale devrait faire l’objet d’une interprétation généreuse où la substance doit prévaloir sur la forme, le formalisme d’autrefois n’ayant plus sa place aujourd’hui. Même si le Code de procédure pénale ne renferme pas formellement une disposition générale analogue à l’article 2 du Code de procédure civile, plusieurs dispositions du Code de procédure pénale procèdent de cette philosophie non formaliste et une abondante jurisprudence confirme ce principe en matière pénale même si des jugements de première instance ou de la Cour supérieure siégeant en appel laissent parfois penser le contraire. »


« La Cour d’appel du Québec a pourtant rendu de nombreuses décisions confirmant cette vision moderne qui consiste à faire prévaloir le fond sur la forme ou la procédure. À titre d’exemple, elle a infirmé un jugement de la Cour supérieure qui, siégeant en appel, avait annulé une déclaration de culpabilité prononcée par la Cour du Québec contre un défendeur accusé d’avoir circulé à une vitesse supérieure à celle permise par la loi. La Cour d’appel a estimé que le juge de la Cour supérieure ne disposait d’aucun élément pour casser la décision du premier juge, le défendeur n’ayant présenté aucune preuve pour contrer le constat d’infraction, document multifonctionnel (comme il est expliqué plus loin dans le présent texte) et qui sert entre autres de document introductif d’instance et de moyen de preuve. Elle a accepté comme preuve suffisante d’un élément essentiel de l’infraction une mention contenue au constat d’infraction même si cette mention ne reproduisait pas textuellement une règle énoncée dans un de ses arrêts antérieurs mais qui en contenait néanmoins la substance. Elle a jugé que l’idée se retrouvant mentionnée au constat d’infraction, le but était atteint :

« Le fait que la Cour d’appel ait utilisé les mots « qualifié » ou  compétent et apte à le faire » n’oblige pas les concepteurs de la forme et du fond du billet d’infraction de reprendre mot pour mot le vocabulaire utilisé par la Cour. En autant qu’on y retrouve l’idée, le but est atteint. » [6]


« Il est ainsi évident que, même si le Code de procédure pénale ne contient pas de disposition analogue à celle que l’on trouve à l’article
2 C.p.c., le traitement des questions de procédure doit être le même en vertu d’un code ou l’autre, c’est-à-dire que la procédure ne doit être que la servante du droit. »


« Enfin, il n’est pas inutile de rappeler le principe suivant : « le procès pénal, exigeant une preuve hors de tout doute raisonnable pour entraîner la culpabilité, n’est pas le forum approprié pour faire trancher des ambiguïtés juridiques de lois civiles ou de contrats » [7] . Pareil rappel est nécessaire par le fait que certains plaideurs tentent d’y soulever ce genre de question sans nécessité mais il est parfois inévitable d’avoir à le faire. »

 

« 2- La structure générale du code »                           

 

« Le code n’est pas formellement divisé en « Livres » et « Titres » comme le Code de procédure civile. Inspiré de la structure du Code criminel (divisé en 28 parties), il est simplement constitué de 15 chapitres, parmi lesquels on peut facilement dégager trois grandes parties. Elles correspondent au déroulement chronologique de la poursuite pénale :

-Première partie (art. 1 à 141) : on y trouve les mesures ayant trait à ce qui précède la poursuite pénale proprement dite. Outre les « Dispositions générales » (chapitre premier), elle renferme les dispositions qui précèdent l’initiation même de la poursuite pénale, soit les articles touchant l’arrestation (ch. II) et les perquisitions, saisies, ou fouilles (ch. III).

-Deuxième partie (art. 142 à 242) : elle regroupe les mesures qui régissent la procédure depuis l’initiation de la poursuite pénale jusqu’au jugement de première instance. Ainsi, s’y succèdent les dispositions régissant l’introduction de la poursuite (ch. IV), les procédures préalables à l’instruction (ch. V), l’instruction (ch. VI) et le jugement de première instance (ch. VII).

-Troisième partie (art. 243 à 403) : cette partie porte sur ce qui en général advient postérieurement au prononcé d’un jugement en première instance. D’abord, y sont prévus les moyens de se pourvoir contre ce jugement : la rectification de jugement (ch. VIII), la rétractation de jugement (ch. IX), les recours extraordinaires (ch. X), l’appel à la Cour supérieure (ch. XI) et l’appel à la Cour d’appel (ch. XII). Viennent ensuite les mesures ayant trait à l’exécution des jugements (ch. XIII), puis les habilitations en matière de réglementation (ch. XIV), et enfin les dispositions transitoires et finales (ch. XV). Le tout est complété, en annexe, par une table d’« équivalence entre le montant des sommes dues et la durée des travaux compensatoires (art. 336) »

 

«  3- Avant l’initiation de la poursuite pénale (art. 1 à 141 C.p.p.) »

 

« Le Code de procédure pénale édicte en premier lieu des règles générales qui ont trait à son champ d’application, à la compétence des tribunaux en matière pénale, à l’immunité de poursuite ainsi qu’au droit de poursuite. On trouve aussi, au début de ce code, des règles générales qui concernent l’ensemble des procédures applicables, quelle qu’en soit l’étape, avant ou après l’initiation de la poursuite : les demandes au juge, la prescription et le calcul des délais, la signification des actes de procédure, l’assignation des témoins, ainsi que les règles de preuve et les moyens de défense. Enfin, viennent les dispositions relatives à l’arrestation et aux perquisitions, saisies ou fouilles, incidents qui, généralement, interviennent antérieurement à l’initiation de la poursuite ».

 

 « A- Le champ d’application (art. 1 et 2 C.p.p.) »


« L’article 1 C.p.p. en définit le champ d’application :


« Le présent Code s’applique à l’égard des poursuites visant la sanction pénale des infractions aux lois, sauf à l’égard des poursuites intentées devant une instance disciplinaire. »


« Le mot « loi » comprenant une « loi » ou un « règlement » (art. 2 C.p.p.), toute poursuite engagée pour sanctionner les infractions pénales édictées par une loi ou un règlement du Québec [8] sera régie par les dispositions de ce code. Ainsi, appliquera-t-on le code à une poursuite pénale intentée pour la violation soit d’une loi, soit d’un règlement, qu’il s’agisse d’un règlement du gouvernement ou d’un règlement municipal, régissant par exemple le zonage, la circulation, le stationnement, ou d’autres matières municipales ».


« La Cour d’appel du Québec a bien circonscrit le champ d’application du code lorsqu’elle a statué de la façon suivante :


« The principal purpose of the enactment of the new Code of Penal Procedure was to create a uniform code of procedure of general application governing all penal proceedings seeking penal sanctions for offenses under Quebec laws and regulations, with the sole exception of disciplinary proceedings. [...] Because the new Code of Penal Procedure was to be a code of general application governing penal proceedings under all Quebec laws, with its coming into force, in October 1990, the Legislature also adopted amending legislation repealing the Summary Convictions Act and amending several hundred provincial acts which had previously contained varied and specific procedures for the prosecution of penal offenses under those acts. »
[9]

« Précisons que les poursuites intentées devant une instance disciplinaire, soit devant le Comité de discipline ou le Tribunal des professions, en sont nommément exclues (art. 1 C.p.p.) [10]  »

« Il n’y a pas lieu évidemment d’appliquer les dispositions de ce code dans le cadre de procédures criminelles même si elles ne sont pas explicitement exclues de son champ d’application. Cependant, par application de l’article 34 de la Loi d’interprétation, on devra se référer à la Partie XXVII du Code criminel, plutôt qu’au code, lorsqu’une infraction commise sur le territoire québécois est édictée par une loi ou un règlement fédéral à moins qu’il ne s’agisse d’une infraction qualifiée de « contravention » aux termes de la Loi sur les contraventions [11] . »


« On appliquera donc le Code de procédure pénale et ses règlements d’application pour la poursuite d’un très grand nombre d’infractions édictées en droit fédéral et qualifiées de contravention, mais c’est une erreur que d’en appliquer les dispositions (par exemple celle qui limite le rôle de la Cour supérieure siégeant en appel) aux autres procédures en droit criminel [12] . »

« De telles infractions, devenues des contraventions au sens de la loi fédérale, seront donc dorénavant poursuivies au Québec en vertu du Code de procédure pénale et de ses règlements d’application, particulièrement ceux qui fixent la forme du constat d’infraction, du rapport d’infraction ou encore le tarif des frais applicables. Il faut cependant se garder de croire que toutes les infractions édictées dans ces lois ou dans les règlements pris en vertu de ces lois sont des contraventions, car généralement le gouvernement fédéral s’est limité à n’en qualifier de telles que les moins graves, les autres devant être toujours poursuivies en vertu de la Partie XXVII du Code criminel (et ce, par application de l’article 34 de la Loi d’interprétation, du moins jusqu’à ce qu’elles soient, le cas échéant, à leur tour qualifiées de contravention). »


« On n’appliquera pas le Code de procédure pénale aux procédures tenues devant les tribunaux administratifs, même si elles peuvent conduire à l’imposition de sanctions telles que la révocation d’un permis (par exemple, un permis de vendre de l’alcool dans un bar) ou même la suspension du droit d’exercer des activités professionnelles ni dans une instance civile même si celles-ci risquent d’entraîner des conséquences juridiques très graves. La Cour d’appel du Québec a rappelé que la gravité des conséquences éventuelles n’avait pas pour effet de changer la nature de l’instance ou de rendre applicables les règles du droit pénal :

« [...] je le rappelle encore parce que la chose me semble capitale, nous ne sommes pas dans le cadre d’une instance pénale, mais seulement dans celui d’une instance qui, même si elle entraîne des effets juridiques importants [...] n’en demeure pas moins civile par nature. Or, la gravité d’une sanction civile ne la transforme pas automatiquement en sanction pénale et ne permet pas de l’y assimiler.

En effet, ce n’est pas parce qu’un seul et même acte peut avoir des conséquences à la fois civiles et pénales que, dans le cadre d’un recours civil, on doive importer les règles de preuve ou de droit substantif du droit pénal. Ce principe est d’ailleurs bien reconnu. [...] Enfin, ce n’est pas non plus parce que sa faute civile peut avoir une conséquence pénale que ce sont les règles de preuve du système pénal qui doivent être suivies lors du procès civil. »[13]

Cet arrêt illustre bien le principe de l’indépendance des instances civile et pénale. La condamnation dans l’une n’emporte pas nécessairement la responsabilité dans l’autre : on peut être acquitté sur le plan pénal et reconnu responsable sur le plan civil.

« B- La compétence des tribunaux (art. 3 et 4 C.p.p.) »


« Les poursuites pénales sont portées devant la Cour du Québec, le Tribunal du travail, ou devant les cours municipales, selon les limites de leur compétence respective prévues par la loi (art. 3 et 370 C.p.p.). Les juges qui sont membres de ces cours exercent les pouvoirs conférés et les devoirs imposés à un juge par le code ».

« Un juge de paix peut également agir comme « juge » et ce dans les limites prévues par la loi et par son acte de nomination (art. 3 C.p.p.); il en va de même du juge d’une cour municipale [14] . »

« Le juge qui constate qu’il n’a pas compétence pour instruire une demande ou une poursuite dont il est saisi ordonne simplement le transfert du dossier devant celui qui aurait compétence pour en disposer (art. 175, 206 et 222 C.p.p.). Ces mesures tranchent sur le droit antérieur, et constituent un exemple de la souplesse avec laquelle on doit appliquer la procédure pénale depuis l’adoption de ce code. »

 

« C- L’immunité de poursuite, les défendeurs de 14 à 18 ans (art. 5 à 7 C.p.p.) et l’absence de disposition relative aux sociétés »

« Aucune poursuite pénale pour une infraction provinciale ne peut être prise contre un mineur qui était âgé de moins de 14 ans lors de la perpétration de l’infraction (art. 5 C.p.p.). Il s’agit là d’une immunité absolue de poursuite. Cette immunité devrait profiter aux mineurs de 12 et 13 ans lorsqu’ils sont poursuivis en vertu du Code de procédure pénale pour une infraction aux lois ou règlements fédéraux lorsqu’elle a été qualifiée de contravention aux termes de la Loi sur les contraventions (art. 5 et 65.1). » [15]

« C’est également l’âge au moment de la commission de l’infraction qui sera déterminant pour l’application des dispositions du code particulières aux mineurs de 14 ans et plus (art. 6 C.p.p.). »

« Est-ce par oubli du législateur si l’on ne retrouve pas dans le code de dispositions relatives aux sociétés de personnes ou n’est-ce pas là le signe évident qu’il n’entendait pas les assujettir vu qu’elles n’ont pas de personnalité juridique comme en ont les personnes morales? On ne peut certes pas conclure ici à un oubli du législateur d’autant qu’il a modifié ce code à plusieurs reprises sans jamais rien prévoir pour l’assujettissement des sociétés. Il a aussi, depuis l’entrée en vigueur du code, adopté et modifié d’innombrables lois à caractère pénal en prévoyant des peines spécifiques pour les personnes morales mais rien pour les sociétés de personnes, sauf très rare exception. La raison en est qu’elles sont dépourvues de personnalité juridique même si elles ont un patrimoine propre, distinct de celui des associés. Elles peuvent certes contracter des obligations civiles et doivent alors en répondre sur les biens qu’elles possèdent mais cela ne suffit pas à leur conférer le statut de personne morale ni même une personnalité juridique sur le plan pénal. N’ayant pas de personnalité juridique propre, ce sont les actions et omissions des membres de la société qui vontdevoir être jugées sur le plan pénal. Lors de la perpétration d’une infraction pénale, ce sont en effet les membres de la société qui doivent alors être poursuivis devant les tribunaux sauf dans les cas où le législateur a adopté des dispositions spécifiques permettant un traitement différent. Par exemple, lorsqu’il prévoit une peine spécifiquement applicable aux sociétés de personnes (comme dans la Loi sur le cinéma [16] ), rien ne s’oppose alors à ce que la société soit déclarée coupable et que, au besoin, l’exécution de la peine se fasse sur son patrimoine. Mais jusqu’ici le législateur n’a pas adopté de régime général en ce sens ni dans le code ni dans les autres lois à caractère pénal, ces dernières ne renfermant que de très exceptionnelles dispositions pénales spécifiquement applicables aux sociétés. On ne peut donc traiter l’ensemble des lois à caractère pénal en droit québécois comme si le législateur avait prévu un régime en ce sens ou comme si elles renfermaient toutes une disposition analogue à celle que l’on retrouve à l’article 178 de la Loi sur le cinéma, c’est-à-dire comme si le législateur y avait prévu une peine spécifique pour les sociétés, ce qu’il n’a évidemment pas fait. »

« Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si l’on ne retrouve pas dans le code de dispositions par exemple sur le moyen de signifier un constat d’infraction aux sociétés de personnes, les articles 20, 21, 23 et 158.1 C.p.p. ne renfermant que des mesures spécifiques pour la signification aux personnes morales mais rien pour les sociétés (sauf l’article 322.1 qui traite du cas où un ordre de paiement est exécutoire contre des entités étrangères faisant affaires au Québec). Le code renferme par ailleurs de nombreuses autres dispositions qui indiquent que le législateur n’envisage pas que les sociétés (à qui il ne reconnaît pas une pleine personnalité juridique analogue à celle des sociétés par actions et des personnes morales) puissent faire l’objet de poursuites pénales. Ainsi, à l’article192 C.p.p., il prévoit que, au moment de l’instruction, le défendeur, lorsqu’il est une personne physique, peut agir personnellement ou par l’entremise d’un procureur et, lorsqu’il est une personne morale, par l’entremise de ses administrateurs ou autres dirigeants ou encore par procureur. N’ayant rien prévu dans ce contexte pour les sociétés, on ne peut certes pas y voir une simple inadvertance. On doit plutôt inférer qu’il ne prévoyait pas qu’elles doivent venir s’y défendre. On en trouve un autre indice lorsqu’il traite des peines d’emprisonnement obligatoires : le code spécifie quelle peine devait alors s’appliquer si l’infraction est perpétrée par une personne morale (art. 234 C.p.p.) mais il n’a rien prévu pour les cas où les infractions comportant une peine obligatoire d’emprisonnement seraient perpétrées par une société de personnes. S’agirait-il encore d’un oubli? Évidemment que non, cela indique plutôt que le législateur n’envisageait justement pas qu’elles puissent être poursuivies. On constate également l’absence de disposition permettant de penser que le législateur a envisagé que les sociétés soient l’objet de poursuites pénales lorsque l’on survole l’ensemble du corpus législatif québécois : le législateur y fait très souvent une distinction sur le plan de la peine selon que l’infraction est perpétrée par une personne physique ou par une personne morale, mais, sauf exception, il ne prévoit pas de peines dans les cas où une société aurait été reconnue coupable. Le fait que, dans une loi spécifique (Loi sur le cinéma), le législateur ait exceptionnellement prévu une peine applicable aux sociétés qui sont déclarées coupables aux termes de cette loi n’autorise pas une conclusion générale selon laquelle les sociétés peuvent toujours faire l’objet de poursuite pénale. Au contraire, on doit retenir que lorsque le législateur entendait qu’elles puissent être poursuivies, il l’a dit clairement comme il l’a fait justement dans la Loi sur le cinéma. On peut y voir aussi une telle volonté dans certaines autres dispositions où il a spécifiquement prévu la commission d’une infraction par une société (à titre d’illustration, la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne) ou lorsqu’il a prévu d’autres dispositions spécifiques permettant de conclure exceptionnellement à l’assujettissement des sociétés sur le plan pénal. On en trouve un exemple dans la Loi sur les pesticides qui prévoit spécifiquement que toute société est assimilée à une personne pour l’application de la loi en question (le régime des peines y est du reste aménagé (à l’article 111) de telle sorte que l’on puisse en imposer aux sociétés sans aller à l’encontre du texte législatif, ce dernier prévoyant les peines qui peuvent être imposées dans les « autres cas »). »

« Dans l’état actuel du droit québécois, en l’absence de dispositions spécifiques prévoyant des peines applicables aux sociétés et en l’absence d’autres indications (infraction définie par exemple en fonction spécifiquement des sociétés ou autre disposition spécifique de même nature), on doit retenir qu’une société ne devrait pas être déclarée coupable si un poursuivant a eu l’idée de la poursuivre plutôt que de diriger la poursuite contre ses membres. Chaque fois que la loi se limite à prévoir des peines sans distinguer en fonction du statut du défendeur ou en distinguant entre celles qui peuvent être imposées aux personnes physiques et aux personnes morales, on ne devrait pas imposer de telles peines à la société ni même la déclarer coupable, à moins bien sûr de retrouver d’autres dispositions spécifiques qui permettent d’arriver à une conclusion différente ».

« Or, dans la cause de Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Dollarama, s.e.c. [17] , la Cour supérieure a tenu pour acquis qu’une société en commandite, même si elle ne constituait pas une personne morale, pouvait être reconnue coupable d’avoir contrevenu à une disposition pénale. Étrangement, la question ne semble même pas avoir été débattue. Dans cette affaire, en effet, ni la Cour supérieure ni la Cour du Québec n’ont traité en tant que telle la question de savoir si une société peut, en droit pénal québécois, être reconnue coupable, la Cour supérieure s’étant limitée pour sa part à interpréter le terme « quiconque » employé dans la définition de l’infraction dans la loi en cause (Loi sur la santé et la sécurité au travail). L’instance d’appel se limite à conclure que le sens ordinaire du terme « quiconque » inclut toute personne et donc, à ses yeux, une société en commandite. Le problème se résumerait en apparence à ceci : « Dans [la L.s.s.t.], l’utilisation du vocable « quiconque » se rattache davantage à l’élargissement du concept de la « personne ». Dans son sens ordinaire, il inclut « toute personne » qu’elle soit une personne physique, une personne morale, une société en commandite ou en nom collectif. La loi vise un grand éventail de personnes. Il n’existe aucune limitation ou forme de restriction qui se rattache au statut juridique accordé [sic] à « quiconque ». » (par. 36). Elle ne cite à l’appui de sa position aucune référence. » 

« Dans la loi en cause comme dans la plupart des lois à caractère pénal en droit québécois, le législateur a prévu que la peine variera selon que l’infraction est commise par une personne morale ou une personne physique, sans prévoir la possibilité qu’elle puisse être commise par une société, sans doute parce que le législateur tient pour acquis que ce sont les membres de la société qui seront poursuivis lorsqu’une infraction est commise. La Cour supérieure aurait pu retenir que, la société en commandite accusée en l’espèce n’étant ni une personne morale ni bien sûr une personne physique, elle ne pouvait pas être déclarée coupable, seuls ses membres pouvant l’être. Malheureusement, elle se borne à écarter la position tenue par le poursuivant, lequel demandait à tort que soit imposée à la défenderesse la peine prévue par la loi pour les personnes morales alors qu’il s’agissait d’une société en commandite, donc qu’il ne s’agissait clairement pas d’une personne morale (par. 51). Constatant que le législateur n’a rien prévu dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail pour les sociétés en commandite (ce qu’elle tient pour un vide juridique sur le plan de la peine (par. 47) et même comme un manquement, un oubli dans le texte de loi (par. 52)), la Cour supérieure conclut que la peine à appliquer doit alors être celle qui est déterminée par l’article 232 C.p.p. ainsi libellé : « Lorsqu’une loi ne prévoit aucune peine pour la sanction d’une infraction, la peine est une amende de 50 $ à 2 000 $ ». Il est bien difficile de comprendre comment la Cour supérieure peut retenir ici que la loi ne prévoirait aucune peine pour la sanction de l’infraction alors qu’elle-même a constaté, plus avant dans ses motifs, justement à propos de la loi en cause : « Le législateur, de façon expresse, précise la peine à imposer à une personne physique et à une personne morale. Il distingue des quantums différents pour les personnes physiques et les personnes morales. L’aspect pénal est restreint aux deux seuls sujets clairement identifiés (personne physique et personne morale). Aucune autre personne n’est visée par les peines prévues. » (par. 40-41). La juge semble avoir été bien préoccupée par le fait que la protection des travailleurs semblait mise en péril à ses yeux s’il fallait considérer qu’en raison de son statut (société en commandite) la défenderesse n’était pas « soumise à la loi et à la réglementation » (par. 52). Elle semble lui avoir échappé que l’objectif de la loi n’aurait aucunement été mis en péril si la poursuite pénale avait été dirigée plutôt contre les membres de la société en commandite que contre la société en commandite elle-même. Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait pas s’appuyer ici sur l’article 232 C.p.p. pour imposer à une société une peine alors que le législateur n’en avait prévue que pour les personnes physiques et les personnes morales mais non pour les sociétés. Il ne s’agit clairement pas d’un cas où le législateur n’aurait prévu aucune peine pour la sanction de l’infraction. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, cet arrêt de la Cour supérieure ne devrait pas être suivi sauf dans les très rares cas où le législateur a clairement marqué sa volonté de rendre une société sujette à une poursuite pénale. »

 



[1] L.R.Q., c. C-25.1, ci-après : « C.p.p. » ou simplement « code »..

[2] L.R.Q., c. P-15, ci-après : « L.p.s. ». Il s’agit d’une loi des années 20 dont le langage était devenu vétuste, la procédure qu’elle édictait n’étant plus adaptée aux exigences de la réalité moderne.

[3] M. le juge Lamer, juge en chef du Canada, en « Préface » à l’ouvrage des auteurs Gilles LÉTOURNEAU et Pierre ROBERT, Code de procédure pénale du Québec annoté 1995, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 1995, p. vii; les éditions publiées par la suite (dont la 9e édition parue en 2011, loc. cit., note 5) ne reproduisent pas cette préface.

[4] Voir dans le code le renvoi à des lois particulières ou sectorielles, ou au Code de procédure civile (L.R.Q., c. C-25, ci-après : « C.p.c. »), notamment aux articles 14, al. 2, 34, 61, etc. Voir aussi l’article 73 de la Loi sur le ministère du Revenu (L.R.Q., c. M-31) qui confère préséance aux dispositions d’une loi fiscale sur les dispositions de toute autre loi régissant la procédure ou les poursuites pénales, donc préséance sur celles du code. Particulièrement à propos de la portée de cette disposition dérogatoire, voir l’arrêt Sous-ministre du Revenu c. Létourneau, sub. nomine Procureur général du Québec c. Létourneau, J.E. 97-392, REJB 1997-02854 (C.A.). Voir dans le même sens, Descôteaux c. Québec (Sous-ministre du Revenu), REJB 2002-28342 (C.A.). Voir infra, note 80 et le texte qui l’accompagne.

 

[5] L.R.C. (1985), c. C-46. En droit pénal québécois, il faut vérifier dans chacune des lois sectorielles si elle contient des dispositions sur la complicité ou sur la manière de participer à l’infraction. Par exemple, la Loi sur les produits alimentaires (L.R.Q., c. P-29) prévoit ceci : « Art. 46 – Lorsqu’une personne morale commet une infraction [...], tout dirigeant, administrateur, associé, salarié ou mandataire de cette personne qui a prescrit ou autorisé l’accomplissement de l’infraction ou y a consenti, acquiescé ou participé, est réputé être partie à l’infraction et est passible des peines prévues [...], que la personne morale ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable. » Voir plus généralement sur la question de la complicité, notamment celle de la personne morale ou de ses administrateurs, G. LÉTOURNEAU et P. ROBERT, Code de procédure pénale du Québec annoté 2011, 9e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 119 à127. À noter que, lorsque la loi particulière ne renferme pas de disposition spécifique sur la complicité – en prévoyant par exemple que la personne qui aide à commettre l’infraction devient partie à l’infraction ou en commet une elle aussi – les tribunaux auront tendance à prononcer l’acquittement. Ainsi, dans Laflamme c. Vallée-Jonction (Municipalité de), 2009 QCCS 5754 (CanLII), 2009 QCCS 5754, EYB 2009-167269, la Cour supérieure a acquitté le défendeur qui admettait avoir aidé une personne à commettre une infraction (violation d’un règlement municipal sur la sollicitation dans la municipalité) : « Ce règlement est toutefois muet en ce qui concerne celui qui aide, qui encourage, qui conseille ou qui incite quelqu’un à solliciter un don sans permis. » (par. 23). Comme la preuve révélait que le défendeur avait aidé une personne à faire une action interdite par le règlement, mais qu’il n’avait pas lui-même accompli cette action, la Cour supérieure a accueilli l’appel et acquitté le défendeur (par. 24 et 25). Voir aussi Québec (Procureur général) c. Ouellet, 2009 QCCQ 7219 (CanLII), 2009 QCCQ 7219, EYB 2009-162947 : « Les règles sur la complicité ne trouvent pas application dans la présente affaire puisque ni le Code de procédure pénale [référence omise] ni la Loi sur les forêts ne prévoient la complicité comme mode de participation à l’infraction. » (par. 97, cité avec approbation par la Cour supérieure dans Laflamme c. Vallée-Jonction (Municipalité de), précité, par. 18). D’aucuns prétendent qu’il s’agit là d’un trop grand formalisme puisque la common law supplée le silence du législateur. Une telle approche n’est pas sans risque et ne correspond pas à l’état de la jurisprudence majoritaire sur le sujet, divergeant d’ailleurs de la position prise par la Cour d’appel dans Autorité des marchés financiers c. Lacroix, 2009 QCCA 1559 (CanLII), 2009 QCCA 1559, EYB 2009-162982. Dans cette affaire, la Cour d’appel n’a pas puisé dans la common law pour trancher la question de savoir si, en l’absence de disposition législative sur le sujet, un juge peut imposer des peines consécutives. Elle a plutôt décidé que le juge n’avait pas ce pouvoir lorsque ni le code ni la loi particulière ne le lui accorde spécifiquement (par. 51, 53 et 56). Dans Laflamme c. Vallée-Jonction (Municipalité de), précité, la Cour supérieure n’a pas non plus eu recours à la common law, s’étant plutôt demandé si le silence du législateur québécois sur la complicité pouvait être comblé par les dispositions de l’article 21 (1) c) du Code criminel (par. 8). Elle ne répond pas formellement à cette question, mais la façon dont elle a tranché le litige montre qu’elle n’a pas appliqué le Code criminel, ce qui aurait été une erreur dans ce contexte, car seule la common law aurait pu ici servir à combler le silence du législateur québécois et non le Code criminel.

 

[6] 6. Procureur général du Québec c. Gagnon, REJB 2000-17712, p. 2. Dans l’arrêt Brossard (Ville de) c. Bhaloo, 2010 QCCA 5 (CanLII), 2010 QCCA 5, EYB 2010-167980, la Cour d’appel a infirmé un jugement de la Cour supérieure 2009 QCCS 4506 (CanLII), (2009 QCCS 4506, EYB 2009-164654) qui confirmait un jugement rendu par une cour municipale ayant refusé au représentant de la municipalité de Brossard, sur le territoire de laquelle une infraction à la circulation (arrêt obligatoire) avait été commise, une demande visant à corriger l’erreur du policier qui avait délivré le constat d’infraction en cochant par simple inadvertance, à la case « poursuivant », le nom d’une autre municipalité (Ville de Longueuil), le défendeur ne s’opposant pas par ailleurs à la modification demandée. La Cour supérieure siégeant en appel estimait que la municipalité de Brossard ne pouvait interjeter appel de la décision de première instance lui ayant refusé la modification au motif qu’elle ne se qualifiait pas aux termes de l’article 268 C.p.p. : « Constatant le défaut de qualification de l’appelante, le tribunal doit rejeter l’appel. » (par. 12). Pour sa part, la Cour d’appel juge que, puisqu’elle était présente devant le juge municipal et qu’elle avait présenté la preuve que l’infraction avait été commise sur son territoire, la Ville de Brossard pouvait interjeter appel aux termes de l’article 268 ou subsidiairement qu’elle aurait pu se pourvoir en révision judiciaire aux termes de l’article 265 (par. 23 et 24). La Cour d’appel reproche clairement à la Cour supérieure d’avoir fait fi du principe suivant lequel le code « rompt définitivement avec tout formalisme procédural » (par. 30). Dans Bolduc c. Montréal (Ville de), C.S., no 500-36-005161-099, 8 février 2010, EYB 2010-171239, la Cour supérieure avait à déterminer si l’exigence de signature du constat d’infraction (prévue par le Règlement sur la forme des constats d’infraction,R.R.Q., c. C-25.1, r. 1) était satisfaite dans le cas d’un constat d’infraction sur support informatique. Puisqu’on constatait au constat d’infraction l’apposition, par procédé électronique, du nom et prénom du policier l’ayant délivré ainsi que de son numéro de matricule et le numéro de son unité, la Cour supérieure a conclu que les exigences formelles de la signature étaient satisfaites : « L’ajout de son numéro de matricule et de son numéro d’unité a rendu sa signature distinctive en ce qu’elle permet au défendeur d’individualiser, sans doute possible, l’agent qui a attesté les faits mentionnés au constat d’infraction. » (par. 20). Ayant rappelé qu’il faut aussi garder à l’esprit l’objet de la loi (ici, permettre au défendeur d’identifier la personne à assigner, le cas échéant), elle insiste sur le fait que la forme doit s’incliner devant le fond (par. 22). Vu l’absence de préjudice pour le défendeur, elle refuse ici d’accueillir l’appel du défendeur au motif qu’elle ferait ainsi triompher la forme sur la substance en l’absence d’une démonstration que le prétendu vice a causé un préjudice quelconque au défendeur (par. 23). La Cour d’appel a confirmé ce jugement dont elle dit adopter les motifs : Bolduc c. Montréal (Ville de), 2011 QCCA 1827 (CanLII), 2011 QCCA 1827, EYB 2011-196569 (par. 11), répétant que la fond doit l’emporter sur la forme et qu’« un défaut de forme qui ne cause pas de préjudice ne constitue pas une violation de la loi » (par. 20). Dans le même sens, voir Desmarais c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2012 QCCA 480 (CanLII), 2012 QCCA 480, EYB 2012-203702, par. 25 (la procédure doit être utilisée avec souplesse). Voir aussi Procureur général du Québec c. Pointe-Claire (Ville de), C.S.M., no 500-36-002925-025, 28 mars2003, EYB 2003-39705 (permission d’interjeter appel refusée par la Cour d’appel le 26 mai 2003, no 500-10-002565-032), où la Cour supérieure rappelle que la procédure pénale doit demeurer la servante du droit : « qu’on aille au fond des choses » (par. 50, p. 8), tranche-t-elle, après avoir cité (par. 42, p. 7) l’arrêt R. c. Sault Ste-Marie, 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, EYB 1978-147041, par. 13 : « Nous devons examiner le fond des choses et non pas des formalités insignifiantes. ». Voir aussi Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Berger, 2011 QCCQ 12195 (CanLII), 2011 QCCQ 12195, EYB 2011-197126. Sur la situation antérieure à l’adoption du Code de procédure pénale, voir Gilles LÉTOURNEAU, « Le Code de procédure pénale : éléments de problématique et de solution », (1988) 19 R.G.D. 151-169. Sur l’absence de formalisme dans l’application du code et de la procédure pénale.

 

[7] Association des courtiers et Agents immobiliers du Québec c. Hudon, REJB 2000-17376 (C.S.), par. 16.

 

 

[8] L’article 61 (10) de la Loi d’interprétation (L.R.Q., c. I-16) précise que le mot « loi » employé dans une loi sans qualificatif vise les lois du Québec. Le développement d’Internet a conduit des défendeurs astucieux à tenter d’échapper à l’application des lois et règlements du Québec en faisant valoir que les contrats conclus dans l’Internet échappaient à la compétence territoriale des tribunaux québécois au motif principal qu’ils n’auraient pas été conclus au Québec. La Cour supérieure a dû se poser la question à propos d’une vente de médicaments conclue par Internet : « But where did this sale take place? » (Prescriptions 4us Inc. c. Ordre des pharmaciens du Québec, C.S., no 500-36-003204-032, 25 juin 2004, EYB 2004-66461, par. 43). Appliquant simplement les règles du contrat (en particulier l’article 1387 C.c.Q.), elle a estimé que la vente avait bel et bien eu lieu à Montréal, l’offre provenant de cet endroit alors que le vendeur y avait son siège et y ayant été acceptée. Le fait que l’acheteur ait procédé par l’Internet n’y changeait rien : « The purchaser, Mr. Lewis, was on a computer. While the location of this computer is not given, it could have been anywhere, as Mr. Lewis completed the forms provided by RX4US on its web site and sent it back to RX4US in Montreal. Thus, the place of the offer and the place where the acceptance was received by the vendor, RX4US, are identical – namely Montreal, Quebec. » (par. 44). Voir dans le même sens Ordre des pharmaciens c. Prescriptions 4US Inc., C.Q., no 500-61-176333-038, 3 juin 2005, EYB 2005-91294.

[9] R. c. Terrasses St-Sulpice Inc., 1994 CanLII 5653 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1179, 1182, EYB 1994-58982 (C.A.). Voir aussi Farnham (Ville de) c. Charron, J.E. 95-460, EYB 1995-64590 (C.A.); M.R.C. de Bonaventure c. Fulham, C.Q., no 105-61-009274-043, 22 octobre2004, EYB 2004-72034, par. 35 : « Le Code de procédure pénale est la législation générale en droit québécois. Le code réglemente les procédures de nature pénale, c’est-à-dire les procédures visant la sanction pénale d’une infraction. La source historique du droit pénal provincial est la common law anglaise. »; Sous-ministre du Revenu c. Létourneau, précité, note 4, p. 5. Voir enfin la note 80 et le texte qui l’accompagne; voir aussi Ville de Montréal c. Gagné, 2008 CanLII 65906 (QC CM), 2008 CanLII 65906 (C.M. Montréal), par. 28 et 29.

 

[10] Les tribunaux ont établi le principe suivant lequel le droit disciplinaire est un droit sui generis et qu’il faut alors éviter de tracer un parallèle trop étroit avec le droit pénal (Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, 1992 CanLII 3299 (QC CA), [1992] R.J.Q. 1822, EYB 1992-63846 (C.A.); Latulipe c. Tribunal des professions, C.A. Montréal, no 500-09-002756-963, 5 juin 1998, REJB 1998-06604). Par exemple, relèvent du droit disciplinaire, les poursuites engagées en vertu des codes de déontologie des divers ordres professionnels, dont le Code de déontologie des avocats (R.R.Q., c. B-1, r. 3) et le Code des professions (L.R.Q., c. C-26) ainsi que la Loi sur le Barreau (L.R.Q., c. B-1, art. 132 et 133) devant une instance disciplinaire, soit le Comité de discipline ou le Tribunal des professions. Un même acte peut entraîner pour son auteur des conséquences à la fois pénales et disciplinaires. Pour les poursuites pénales, on appliquera le Code de procédure pénale ainsi que les lois particulières pertinentes (dont le Code des professions qui prévoit à son article 189 (1) que les poursuites pénales pour exercice illégal de la profession sont intentées par l’ordre professionnel ou l’un de ses membres en conformité avec l’article 10 C.p.p.), alors que les mesures disciplinaires seront régies par d’autres dispositions (par exemple, l’article 123 de la Loi sur le Barreau). Rien n’interdit que le législateur soumette un même acte à la fois à une action disciplinaire et à une poursuite pénale : R. c. Wigglesworth, 1987 CanLII 41 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 541, EYB 1987-67959; Bisson c. Beaudoin, REJB 1997-2173 (C.S.). Sur les droits constitutionnels du défendeur poursuivi pour une infraction criminelle ou pénale et qui fait l’objet d’une enquête administrative ou disciplinaire, voir particulièrement British Columbia Securities Commission c. Branch, 1995 CanLII 142 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 3, EYB 1994-66968 et Phillips c. Nouvelle-Écosse, 1995 CanLII 86 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 97, EYB 1994-67366. Un défendeur accusé d’avoir fait défaut de respecter une ordonnance judiciaire ou administrative ne peut, en défense, en soulever l’illégalité lorsqu’il aurait pu l’attaquer directement au moyen des recours prévus dans la loi, tel un appel administratif, mais qu’il a négligé de se prévaloir de cette possibilité : R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., 1998 CanLII 820 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 706, REJB 1998-06181; R. c. Al Klippert Ltd., 1998 CanLII 821 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 737, REJB 1998-06182. Dans Ferenczy c. Adler, AZ-50086288 (T.P.), 4 mai 2001, le tribunal siégeant en appel estime qu’un comité de discipline a erré en droit en se référant au code pour interpréter la notion d’« intérêt requis ». Par ailleurs, la Cour supérieure a statué que le code ne s’applique, suivant son article premier, qu’à la poursuite des « infractions aux lois », excluant ainsi les lois qui décrètent l’inhabilité à exercer une charge municipale d’un membre d’un conseil si cette loi ne crée par d’infraction : L’Heureux c. Gagnon, REJB 2000-16200 (C.S.). Voir également Chambre des notaires du Québec c. Dugas, REJB 2002-35787 (C.A.), où la cour conclut que les amendes imposées par un Comité de discipline d’un ordre professionnel ne sont pas des amendes au sens du code et donc qu’elles ne sont pas purgées par la faillite du professionnel.

[11] L.C., c. 47 et ses modifications. Cette loi dispose que le gouvernement fédéral peut qualifier de « contravention » une infraction à une loi ou à un règlement fédéral (art. 8 (1) a) et prévoir, par règlement, que les lois provinciales – avec leurs modifications successives – s’y appliquent (art. 65.1 (1). Cela avait été fait pour l’Ontario, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique (Règlement sur l’application de certaines lois provinciales (DORS/96-312, 20 juin 1996),(1996) 130 Gaz. Can. II, 2116 (no 14, 10 juillet 1996). Depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 1999, du nouveau Règlement modifiant le Règlement sur l’application de certaines lois provinciales, (DORS/99-180, 15 avril 1999,(1999) 133 Gaz. Can. II, 1195 (no 9, 28 avril 1999), son annexe en est modifiée par l’adjonction de la Partie VII intitulée Province de Québec afin de rendre applicables aux contraventions commises au Québec le Code de procédure pénale et ses règlements d’application, et cela, à compter de sa date d’entrée en vigueur fixée par l’article 2, soit au 1er mai 1999. Dans R. c. Reda, 2008 QCCS 3290 (CanLII), 2008 QCCS 3290, EYB 2008-141449, la Cour supérieure a conclu qu’une infraction à la Loi sur le droit d’auteur ne pouvait être traitée en vertu du Code de procédure pénale (et donc, ne donnait pas ouverture à un droit d’appel en vertu de ce code), n’étant pas énumérée à l’annexe I du Règlement sur les contraventions. Le renvoi à ce code et à ses règlements est cependant limité, car on en exclut certaines dispositions relatives à l’imposition des peines, notamment celles qui ont trait à l’emprisonnement : les articles 166.1, 232, 234, 235, 238 à 242, 277, 288, et 318 à 350 du code ne s’appliquent pas aux contraventions. Ce règlement prévoit aussi que l’amende que peut imposer un tribunal lors de la poursuite d’une contravention ne peut dépasser le montant fixé par le gouverneur en conseil. Cette limite vise le montant de l’amende, et non celui des frais. On trouve le montant de l’amende dans chacune des lois sectorielles de sorte qu’une même infraction, commise en territoire fédéral dans des lieux visés par deux lois distinctes (par exemple, dans un parc national ou dans un aéroport), pourra être sanctionnée par une amende différente. Pour plus de commodité, on peut, pour retrouver le montant de l’amende, se référer au Règlement sur les contraventions (DORS/96-113, 20 juin 1996) dont l’annexe I fournit une liste des infractions qui ont été qualifiées de contravention et les montants de l’amende correspondants (DORS/97-161 et DORS/97-208). La Loi sur les contraventions, à l’instar du code (art. 233), fixe à cent dollars le montant maximal de l’amende qui peut être imposé à un mineur (art. 8 (4), à moins qu’il ne s’agisse d’une infraction de stationnement. Cependant, à la différence du code québécois qui fixe à son article 5 la responsabilité pénale à 14 ans, la Loi sur les contraventions la fixe plutôt à 12 ans (voir la définition du mot « adolescent » à la Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1984), c. Y-1, art. 2). Par ailleurs, on y applique le Chapitre XIII du Code de procédure pénale en matière de recouvrement du produit de toute amende ou confiscation en vertu du Code criminel ou d’une loi pénale fédérale : voir, en ce sens, la Loi sur le paiement de certaines amendes, (L.R.Q. c. P-2), ainsi que l’article 734.6 (1) du Code criminel. Depuis l’adoption de la Loi de 1996 visant à améliorer la législation pénale (L.C. 1997, c. 18), la signification et la preuve de la signification d’une assignation, d’une sommation ou de tout autre document en application du Code criminel peuvent se faire en conformité avec le droit provincial applicable à la signification des actes judiciaires liés à la poursuite des infractions provinciales (art. 701.1 du Code criminel); autrement dit, on peut appliquer la section V du Chapitre premier du code, intitulé « signification des actes de procédure » (art. 19 à 29), et peut-être aussi la section III du Chapitre IV consacrée à la « signification du constat d’infraction » (art. 156 à 159). On applique également le Chapitre XIII du code pour l’exécution de la peine et des frais imposés lorsqu’une personne est déclarée coupable d’outrage au tribunal en vertu du Code de procédure civile (voir l’article 54 C.p.c.).

[12] C’est pourtant ce que la Cour supérieure fait dans R. c. Gallant, no 615-36-000053-032, 21 avril 2005, EYB 2005-89547 (C.S.), le juge s’appuyant curieusement sur l’article 286 C.p.p. pour justifier les limites de son pouvoir d’intervention dans le cadre d’un appel interjeté à l’encontre d’une condamnation prononcée aux termes des articles 253 a) et 255 (1) du Code criminel (conduite d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies par l’alcool). La Cour supérieure aurait cependant pu à bon droit se référer à cette disposition du droit pénal québécois s’il s’était agi d’un appel interjeté dans le cadre d’une infraction à laquelle on aurait rendu applicable la Loi sur les contraventions, car en pareil cas le Code de procédure pénale aurait été applicable par renvoi (voir R. c. Reda, précité, note 14). On retrouve de telles « contraventions » dans diverses lois et règlements, dont à titre d’illustration la Loi sur le ministère des transports (L.R.C. (1985), c. T-18), la Loi sur la protection des eaux navigables (L.R.C. (1985), c. N-22), la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (L.R.C. (1985), c. M-7), la Loi sur les parcs nationaux (L.R.C. (1985), c. N-14), la Loi sur la défense nationale (L.R.C. (1985), c. N-5), la Loi sur les ports et les installations portuaires publics (L.R.C. (1985), c. P-29), la Loi sur la radiocommunication (L.R.C. (1985), c. R-2), la Loi sur l’administration de la voie maritime du Saint-Laurent (L.R.C. (1985), c. S-2), la Loi de 1987 sur le transport routier (L.R.C. (1985), c. 29), la Loi sur la santé des non-fumeurs (L.R.C. (1985), c. 15 (4e suppl.). Par exemple, cette dernière loi fixe à 1000 $ l’amende dont est passible l’employeur qui ne veille pas à ce que personne ne fume dans un lieu de travail ou qui fait défaut d’informer les employés ou le public de l’interdiction de fumer (art. 11). Cette liste des lois (et des règlements) contenant certaines infractions ayant été qualifiées de contravention n’est pas exhaustive. Certaines d’entre elles sont du reste d’application très courante, telle la Loi relative à la circulation sur les terrains de l’État (L.R.C. (1985), c. G-6) et son règlement (C.R.C., c. 887) ou encore la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (L.C., c. 26) et particulièrement certains de ses règlements : le Règlement sur les petits bâtiments (DORS/2010-91, 29 avril 2010, Gaz. Can. II, vol. 144, no 10, 12 mai 2010, p. 723 et s.); le Règlement sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments (DORS/2008-120, 17 avril 2008, Gaz. Can. II, 30 avril 2008, vol. 142, no 9, p. 807 et s.); le Règlement sur la compétence des conducteurs d’embarcation de plaisance (DORS/99-53, 15 janvier 1999, Gaz. Can. II, 3 février 1999, vol. 133, no 3, p. 397 et s.) applicable aux embarcations de plaisance dont les motomarines.

[13] Thérien c. Pellerin, 1997 CanLII 10408 (QC CA), [1997] R.J.Q. 816, 832, REJB 1997-00259 (C.A.). Dans le même sens, voir L’Heureux c. Gagnon, précité, note 13; Bombardier c. Régie des marchés agricoles et alimentaires, 2008 QCCS 2378 (CanLII), 2008 QCCS 2378, EYB 2008-134448, par. 21 et 22.

[14] Les juges de paix et les juges de paix magistrats qui peuvent exercer des pouvoirs d’adjudication en vertu du code sont nommés en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires (L.R.Q., c. T-16, art. 173 et 181 ainsi que l’annexe V). Dans Desmarais c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, précité, note 6, la Cour d’appel aborde la question des pouvoirs des juges de paix magistrats de rendre certaines ordonnances accessoires au procès pénal, telles des ordonnances destinées à protéger l’identité des témoins. Examinant la Loi sur les tribunaux judiciaires (annexe V) et le code (dont les articles 3, 61 et 194), elle conclut qu’ils peuvent, lorsqu’ils doivent statuer sur une accusation portée en vertu d’une loi pénale provinciale, « notamment exercer les pouvoirs complémentaires ou accessoires à [leur] compétence » (par. 23). Plus spécifiquement, elle conclut qu’ils peuvent permettre le témoignage derrière un paravent : « L’article 194 du Code, qui autorise un juge de paix magistrat à prononcer le huis clos, lui permet aussi de prononcer une ordonnance moins restrictive à la condition expresse que l’intérêt de la morale ou l’ordre public le justifie. Je conclus donc à la compétence du juge de paix magistrat de prescrire le témoignage derrière un paravent. » (par. 33) Ils ont aussi compétence pour rendre des ordonnances de non-publication (par. 35) et pour protéger l’identité de certains témoins en leur permettant de témoigner sous un pseudonyme (par. 38). Des dispositions particulières déterminent la compétence matérielle et territoriale des cours municipales et donc la compétence des juges qui les président : voir la Loi sur les cours municipales (L.R.Q., c. C-72.01) ainsi que les dispositions constitutives de chacune des cours municipales, qui fixent notamment leurs limites territoriales. Voir plus loin, la note 127 et le texte qui l’accompagne (limites d’une cour municipale en fonction du lieu où l’infraction est commise).

 

[15] Précitée, note 14. Voir à l’article 2 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, c. 1, la définition du mot « adolescent ».

 

[16] L.R.Q., c. C-18.1, art. 178.

 

[17] 2011 QCCS 5630 (CanLII), 2011 QCCS 5630, EYB 2011-197459, confirmant la décision rendue en première instance par la Cour du Québec : 2010 QCCQ 9503 (CanLII), 2010 QCCQ 9503, EYB 2010-181635.