DOCTRINE
Code de procédure Pénale
Chapitre I
Référence : Michel LEBEL, Jocelyne ROY, « Titre I : La procédure et la
preuve », Collection de droit, École du Barreau du Québec, 2012,
Volume 11-Droit pénal : procédure et preuve, Chapitre VIII, Ressource en
ligne CAIJ.
« Introduction »
« Le Code de procédure pénale
[1]
remplace une loi de 1922 ayant tenu lieu depuis de « code de procédure » pour
la poursuite des infractions pénales édictées par les lois et les règlements du
Québec, soit la Loi sur les poursuites sommaires
[2]
.
Cette dernière loi était complétée par un si grand nombre de dispositions
dispersées dans différentes lois particulières que le juge en chef du Canada de
l’époque avait qualifié cet état de « fouillis inextricable »
[3]
.
« L’avènement du code n’a évidemment pas fait disparaître la
nécessité de vérifier dans les lois sectorielles s’il s’y trouve quelque
disposition particulière en matière de procédure, de preuve ou de prescription
[4]
.
Ainsi devra-t-on, par exemple, se référer aux lois particulières en ce qui
touche la complicité ou les différentes manières d’engager sa responsabilité
pénale, c’est-à-dire de devenir partie à une infraction ». En effet, on
chercherait en vain au Code de procédure pénale une disposition analogue à
l’article 21 C.cr.
[5]
qui prévoit qu’est « partie à une infraction » la personne qui encourage
quelqu’un à la commettre, accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue
d’aider quelqu’un à la commettre ».
« Ce code représente néanmoins une amélioration très marquée par
rapport à ce qui existait auparavant, puisqu’on peut dorénavant y trouver la
majeure partie des règles de preuve et de procédure d’application courante.
Elles y sont regroupées de façon cohérente, dans un langage que les auteurs du
code ont voulu accessible et simple. »
« À l’instar du Code de procédure civile, le Code de procédure pénale devrait faire l’objet
d’une interprétation généreuse où la substance doit prévaloir sur la forme, le
formalisme d’autrefois n’ayant plus sa place aujourd’hui. Même si le Code de
procédure pénale ne renferme pas formellement une disposition générale analogue
à l’article 2 du Code de procédure civile, plusieurs
dispositions du Code de procédure pénale procèdent de cette philosophie non
formaliste et une abondante jurisprudence confirme
ce principe en matière pénale même si des jugements de première instance ou de
la Cour supérieure siégeant en appel laissent parfois penser le
contraire. »
« La Cour d’appel du Québec a pourtant rendu de nombreuses
décisions confirmant cette vision moderne qui consiste à faire prévaloir le
fond sur la forme ou la procédure. À titre d’exemple, elle a infirmé un
jugement de la Cour supérieure qui, siégeant en appel, avait annulé une
déclaration de culpabilité prononcée par la Cour du Québec contre un défendeur
accusé d’avoir circulé à une vitesse supérieure à celle permise par la loi. La
Cour d’appel a estimé que le juge de la Cour supérieure ne disposait d’aucun
élément pour casser la décision du premier juge, le défendeur n’ayant présenté
aucune preuve pour contrer le constat d’infraction, document multifonctionnel (comme
il est expliqué plus loin dans le présent texte) et qui sert entre autres de
document introductif d’instance et de moyen de preuve. Elle a accepté comme
preuve suffisante d’un élément essentiel de l’infraction une mention contenue
au constat d’infraction même si cette mention ne reproduisait pas textuellement
une règle énoncée dans un de ses arrêts antérieurs mais qui en contenait
néanmoins la substance. Elle a jugé que l’idée se retrouvant mentionnée au
constat d’infraction, le but était atteint :
« Le fait que
la Cour d’appel ait utilisé les mots « qualifié » ou compétent et apte à le faire » n’oblige pas
les concepteurs de la forme et du fond du billet d’infraction de reprendre mot
pour mot le vocabulaire utilisé par la Cour. En autant qu’on y retrouve l’idée,
le but est atteint. »
[6]
« Il est ainsi évident que, même si le Code de procédure pénale ne
contient pas de disposition analogue à celle que l’on trouve à l’article 2 C.p.c., le traitement des questions de
procédure doit être le même en vertu d’un code ou l’autre, c’est-à-dire que la
procédure ne doit être que la servante du droit. »
« Enfin, il n’est pas inutile de rappeler
le principe suivant : « le procès pénal, exigeant une preuve hors de tout doute
raisonnable pour entraîner la culpabilité, n’est pas le forum approprié pour
faire trancher des ambiguïtés juridiques de lois civiles ou de contrats »
[7]
.
Pareil rappel est nécessaire par le fait que certains plaideurs tentent d’y
soulever ce genre de question sans nécessité mais il est parfois inévitable
d’avoir à le faire. »
« 2- La structure générale du code »
« Le code n’est pas formellement divisé en « Livres » et « Titres »
comme le Code de procédure civile. Inspiré de la structure du Code criminel (divisé en 28 parties), il est simplement
constitué de 15 chapitres, parmi lesquels on peut facilement dégager trois
grandes parties. Elles correspondent au déroulement chronologique de la
poursuite pénale :
-Première partie (art. 1
à 141) : on y trouve les mesures ayant trait à ce qui précède la poursuite
pénale proprement dite. Outre les « Dispositions générales » (chapitre
premier), elle renferme les dispositions qui précèdent l’initiation même de la
poursuite pénale, soit les articles touchant l’arrestation (ch. II) et les
perquisitions, saisies, ou fouilles (ch. III).
-Deuxième partie (art. 142 à 242) :
elle regroupe les mesures qui régissent la procédure depuis l’initiation de la
poursuite pénale jusqu’au jugement de première instance. Ainsi, s’y succèdent
les dispositions régissant l’introduction de la poursuite (ch. IV), les procédures
préalables à l’instruction (ch. V), l’instruction (ch. VI) et le jugement de
première instance (ch. VII).
-Troisième partie (art. 243 à 403) : cette partie porte sur ce qui
en général advient postérieurement au prononcé d’un jugement en première
instance. D’abord, y sont prévus les moyens de se pourvoir contre ce jugement :
la rectification de jugement (ch. VIII), la rétractation de jugement (ch. IX),
les recours extraordinaires (ch. X), l’appel à la Cour supérieure (ch. XI) et l’appel
à la Cour d’appel (ch. XII). Viennent ensuite les mesures ayant trait à
l’exécution des jugements (ch. XIII), puis les habilitations en matière de
réglementation (ch. XIV), et enfin les dispositions transitoires et finales
(ch. XV). Le tout est complété, en annexe, par une table d’« équivalence entre
le montant des sommes dues et la durée des travaux compensatoires (art.
336) »
« 3- Avant l’initiation de la poursuite pénale (art. 1 à 141 C.p.p.) »
« Le Code de procédure pénale édicte en premier lieu des règles générales
qui ont trait à son champ d’application, à la compétence des tribunaux en
matière pénale, à l’immunité de poursuite ainsi qu’au droit de poursuite. On
trouve aussi, au début de ce code, des règles générales qui concernent
l’ensemble des procédures applicables, quelle qu’en soit l’étape, avant ou
après l’initiation de la poursuite : les demandes au juge, la prescription et
le calcul des délais, la signification des actes de procédure, l’assignation
des témoins, ainsi que les règles de preuve et les moyens de défense. Enfin, viennent les dispositions
relatives à l’arrestation et aux perquisitions, saisies ou fouilles, incidents
qui, généralement, interviennent antérieurement à l’initiation de la
poursuite ».
« L’article 1 C.p.p. en définit le champ d’application :
« Le présent
Code s’applique à l’égard des poursuites visant la sanction pénale des
infractions aux lois, sauf à l’égard des poursuites intentées devant une
instance disciplinaire. »
« Le mot « loi » comprenant une « loi » ou un « règlement » (art. 2
C.p.p.), toute poursuite engagée pour sanctionner les infractions pénales
édictées par une loi ou un règlement du Québec
[8]
sera régie par les dispositions de ce code. Ainsi, appliquera-t-on le code à
une poursuite pénale intentée pour la violation soit d’une loi, soit d’un
règlement, qu’il s’agisse d’un règlement du gouvernement
ou d’un règlement municipal, régissant par exemple le zonage, la circulation,
le stationnement, ou d’autres matières municipales ».
« La Cour d’appel du Québec a bien circonscrit le champ d’application
du code lorsqu’elle a statué de la façon suivante :
« The principal purpose of the enactment of the new
Code of Penal Procedure was to create a uniform code of procedure of general
application governing all penal proceedings seeking penal sanctions for
offenses under Quebec laws and regulations, with the sole exception of
disciplinary proceedings. [...] Because the new Code of Penal Procedure
was to be a code of general application governing penal proceedings under all
Quebec laws, with its coming into force, in October 1990, the Legislature also
adopted amending legislation repealing the Summary Convictions Act and
amending several hundred provincial acts which had previously contained varied
and specific procedures for the prosecution of penal offenses under those acts.
»
[9]
« Précisons que les poursuites intentées devant une instance
disciplinaire, soit devant le Comité de discipline ou le Tribunal des
professions, en sont nommément exclues (art. 1 C.p.p.)
[10]
»
« Il n’y a pas
lieu évidemment d’appliquer les dispositions de ce code dans le cadre de
procédures criminelles même si elles ne sont pas explicitement exclues de son
champ d’application. Cependant, par application de l’article 34 de la Loi
d’interprétation, on devra se référer à la Partie XXVII du Code criminel, plutôt qu’au code, lorsqu’une infraction commise
sur le territoire québécois est édictée par une loi ou un règlement fédéral à
moins qu’il ne s’agisse d’une infraction qualifiée de « contravention » aux
termes de la Loi sur les contraventions
[11]
. »
« On appliquera donc le Code de procédure pénale et ses règlements
d’application pour la poursuite d’un très grand nombre d’infractions édictées
en droit fédéral et qualifiées de contravention,
mais c’est une erreur que d’en appliquer les dispositions (par exemple celle
qui limite le rôle de la Cour supérieure siégeant en appel) aux autres
procédures en droit criminel
[12]
. »
« De telles infractions, devenues des
contraventions au sens de la loi fédérale, seront donc dorénavant poursuivies au
Québec en vertu du Code de procédure pénale et de ses règlements d’application,
particulièrement ceux qui fixent la forme du constat d’infraction, du rapport
d’infraction ou encore le tarif des frais applicables. Il faut cependant se
garder de croire que toutes les infractions édictées dans ces lois ou dans les
règlements pris en vertu de ces lois sont des contraventions, car généralement
le gouvernement fédéral s’est limité à n’en qualifier de telles que les moins graves, les autres devant être toujours
poursuivies en vertu de la Partie XXVII du Code criminel (et ce, par application de l’article 34 de la Loi
d’interprétation, du moins jusqu’à ce qu’elles soient, le cas échéant, à leur tour qualifiées
de contravention). »
« On n’appliquera pas le Code de procédure pénale aux procédures
tenues devant les tribunaux administratifs, même si elles peuvent conduire à
l’imposition de sanctions telles que la révocation d’un permis (par exemple, un
permis de vendre de l’alcool dans un bar) ou même la suspension du droit
d’exercer des activités professionnelles ni dans une instance civile même si
celles-ci risquent d’entraîner des conséquences juridiques très graves. La Cour
d’appel du Québec a rappelé que la gravité des conséquences éventuelles n’avait
pas pour effet de changer la nature de l’instance ou de rendre applicables les
règles du droit pénal :
« [...] je le
rappelle encore parce que la chose me semble capitale, nous ne sommes pas dans
le cadre d’une instance pénale, mais seulement dans celui d’une instance qui,
même si elle entraîne des effets juridiques importants [...] n’en demeure pas
moins civile par nature. Or, la gravité d’une sanction civile ne la transforme
pas automatiquement en sanction pénale et ne permet pas de l’y assimiler.
En effet, ce
n’est pas parce qu’un seul et même acte peut avoir des conséquences à la fois
civiles et pénales que, dans le cadre d’un recours civil, on doive importer les
règles de preuve ou de droit substantif du droit pénal. Ce principe est
d’ailleurs bien reconnu. [...] Enfin, ce n’est pas non plus parce que sa faute civile peut avoir une conséquence pénale
que ce sont les règles de preuve du système pénal qui doivent être suivies lors
du procès civil. »[13]
Cet arrêt illustre bien le principe de l’indépendance des instances
civile et pénale. La condamnation dans l’une n’emporte pas nécessairement la
responsabilité dans l’autre : on peut être acquitté sur le plan pénal et
reconnu responsable sur le plan civil.
« B- La compétence des tribunaux (art. 3 et 4
C.p.p.) »
« Les poursuites pénales sont portées devant la Cour du Québec, le
Tribunal du travail, ou devant les cours municipales, selon les limites de leur
compétence respective prévues par la loi (art. 3 et 370 C.p.p.). Les juges qui
sont membres de ces cours exercent les pouvoirs conférés et les devoirs imposés
à un juge par le code ».
« Un juge de paix peut également agir comme « juge » et ce dans les
limites prévues par la loi et par son acte de nomination (art. 3 C.p.p.); il en
va de même du juge d’une cour municipale
[14]
. »
« Le juge qui constate qu’il n’a pas compétence pour instruire une
demande ou une poursuite dont il est saisi ordonne simplement le transfert du
dossier devant celui qui aurait compétence pour en disposer (art. 175, 206 et
222 C.p.p.). Ces mesures tranchent sur le droit antérieur, et constituent un
exemple de la souplesse avec laquelle on doit appliquer la procédure pénale
depuis l’adoption de ce code. »
« C- L’immunité de poursuite, les défendeurs
de 14 à 18 ans (art. 5 à 7 C.p.p.) et l’absence de disposition relative aux
sociétés »
« Aucune poursuite pénale pour une infraction
provinciale ne peut être prise contre un mineur qui était âgé de moins de 14
ans lors de la perpétration de l’infraction (art. 5 C.p.p.). Il s’agit là d’une
immunité absolue de poursuite. Cette immunité devrait profiter aux mineurs de
12 et 13 ans lorsqu’ils sont poursuivis en vertu du Code de procédure pénale
pour une infraction aux lois ou règlements
fédéraux lorsqu’elle a été qualifiée de contravention aux termes de la Loi
sur les contraventions (art. 5 et 65.1). »
[15]
« C’est également l’âge au moment de la commission de l’infraction
qui sera déterminant pour l’application des dispositions du code particulières
aux mineurs de 14 ans et plus (art. 6 C.p.p.). »
« Est-ce par oubli du législateur si l’on ne
retrouve pas dans le code de dispositions relatives aux sociétés de personnes
ou n’est-ce pas là le signe évident qu’il n’entendait pas les assujettir vu
qu’elles n’ont pas de personnalité juridique comme en ont les personnes
morales? On ne peut certes pas conclure ici à un oubli du législateur d’autant
qu’il a modifié ce code à plusieurs reprises sans jamais rien prévoir pour
l’assujettissement des sociétés. Il a aussi, depuis l’entrée en vigueur du code, adopté et modifié d’innombrables lois à caractère pénal en prévoyant des
peines spécifiques pour les personnes morales mais rien pour les sociétés de
personnes, sauf très rare exception. La raison en est qu’elles sont dépourvues
de personnalité juridique même si elles ont un patrimoine propre, distinct de
celui des associés. Elles peuvent certes contracter des obligations civiles et
doivent alors en répondre sur les biens qu’elles possèdent mais cela ne suffit
pas à leur conférer le statut de personne morale ni même une personnalité juridique
sur le plan pénal. N’ayant pas de personnalité juridique propre, ce sont les
actions et omissions des membres de la société qui vontdevoir être jugées sur le plan pénal. Lors de la perpétration d’une
infraction pénale, ce sont en effet les membres de la société qui doivent alors
être poursuivis devant les tribunaux sauf dans les cas où le législateur a
adopté des dispositions spécifiques permettant un traitement différent. Par
exemple, lorsqu’il prévoit une peine spécifiquement applicable aux sociétés de
personnes (comme dans la Loi sur le cinéma
[16]
), rien ne
s’oppose alors à ce que la société soit déclarée coupable et que, au besoin,
l’exécution de la peine se fasse sur son patrimoine. Mais jusqu’ici le
législateur n’a pas adopté de régime général en ce sens ni dans le code ni dans
les autres lois à caractère pénal, ces dernières ne renfermant que de très exceptionnelles
dispositions pénales spécifiquement applicables aux sociétés. On ne peut donc
traiter l’ensemble des lois à caractère pénal en droit québécois comme si le
législateur avait prévu un régime en ce sens ou comme si elles renfermaient
toutes une disposition analogue à celle que l’on retrouve à l’article 178 de la Loi sur le cinéma, c’est-à-dire comme si le législateur y avait prévu
une peine spécifique pour les sociétés, ce qu’il n’a évidemment pas
fait. »
« Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si l’on
ne retrouve pas dans le code de dispositions par exemple sur le moyen de
signifier un constat d’infraction aux sociétés de personnes, les articles 20,
21, 23 et 158.1 C.p.p. ne renfermant que des mesures spécifiques pour la signification
aux personnes morales mais rien pour les sociétés (sauf l’article 322.1 qui
traite du cas où un ordre de paiement est exécutoire contre des entités
étrangères faisant affaires au Québec). Le code renferme par ailleurs de
nombreuses autres dispositions qui indiquent que le législateur n’envisage pas
que les sociétés (à qui il ne reconnaît pas une pleine personnalité juridique
analogue à celle des sociétés par actions et des personnes morales) puissent
faire l’objet de poursuites pénales. Ainsi, à l’article192 C.p.p., il prévoit
que, au moment de l’instruction, le défendeur, lorsqu’il est une personne
physique, peut agir personnellement ou par l’entremise d’un procureur et,
lorsqu’il est une personne morale, par l’entremise de ses administrateurs ou
autres dirigeants ou encore par procureur. N’ayant rien prévu dans ce contexte
pour les sociétés, on ne peut certes pas y voir une simple inadvertance. On
doit plutôt inférer qu’il ne prévoyait pas qu’elles doivent venir s’y défendre.
On en trouve un autre indice lorsqu’il traite des peines d’emprisonnement
obligatoires : le code spécifie quelle peine devait alors s’appliquer si
l’infraction est perpétrée par une personne morale (art. 234 C.p.p.) mais il
n’a rien prévu pour les cas où les infractions comportant une peine obligatoire
d’emprisonnement seraient perpétrées par une société de personnes. S’agirait-il
encore d’un oubli? Évidemment que non, cela indique plutôt que le législateur
n’envisageait justement pas qu’elles puissent être poursuivies. On constate
également l’absence de disposition permettant de penser que le législateur a
envisagé que les sociétés soient l’objet de poursuites pénales lorsque l’on
survole l’ensemble du corpus législatif québécois : le législateur y fait très
souvent une distinction sur le plan de la peine selon que l’infraction est
perpétrée par une personne physique ou par une personne morale, mais, sauf
exception, il ne prévoit pas de peines dans les cas où une société aurait été
reconnue coupable. Le fait que, dans une loi spécifique (Loi sur le cinéma),
le législateur ait exceptionnellement prévu une peine applicable aux sociétés
qui sont déclarées coupables aux termes de cette loi n’autorise pas une
conclusion générale selon laquelle les sociétés peuvent toujours faire l’objet
de poursuite pénale. Au contraire, on doit retenir que lorsque le législateur
entendait qu’elles puissent être poursuivies, il l’a dit clairement comme il
l’a fait justement dans la Loi sur le cinéma. On peut y voir aussi une
telle volonté dans certaines autres dispositions où il a spécifiquement prévu
la commission d’une infraction par une société (à titre d’illustration, la Loi
sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne) ou lorsqu’il a prévu
d’autres dispositions spécifiques permettant de conclure exceptionnellement à l’assujettissement des sociétés sur
le plan pénal. On en trouve un exemple dans la Loi sur les pesticides qui prévoit spécifiquement que toute société est assimilée à une personne pour
l’application de la loi en question (le régime des peines y est du reste
aménagé (à l’article 111) de telle sorte que l’on puisse en imposer aux
sociétés sans aller à l’encontre du texte législatif, ce dernier prévoyant les
peines qui peuvent être imposées dans les « autres cas »). »
« Dans l’état actuel du droit québécois, en l’absence de
dispositions spécifiques prévoyant des peines applicables aux sociétés et en
l’absence d’autres indications (infraction définie par exemple en fonction
spécifiquement des sociétés ou autre disposition spécifique de même nature), on
doit retenir qu’une société ne devrait pas être déclarée coupable si un
poursuivant a eu l’idée de la poursuivre plutôt que de diriger la poursuite
contre ses membres. Chaque fois que la loi se limite à prévoir des peines sans
distinguer en fonction du statut du défendeur ou en distinguant entre celles
qui peuvent être imposées aux personnes physiques et aux personnes morales, on
ne devrait pas imposer de telles peines à la société ni même la déclarer
coupable, à moins bien sûr de retrouver d’autres dispositions spécifiques qui
permettent d’arriver à une conclusion différente ».
« Or, dans la cause de Commission de la
santé et de la sécurité du travail c. Dollarama, s.e.c.
[17]
, la Cour
supérieure a tenu pour acquis qu’une société en commandite, même si elle ne
constituait pas une personne morale, pouvait être reconnue coupable d’avoir
contrevenu à une disposition pénale. Étrangement, la question ne semble même
pas avoir été débattue. Dans cette affaire, en effet, ni la Cour supérieure ni
la Cour du Québec n’ont traité en tant que telle la question de savoir si une
société peut, en droit pénal québécois, être reconnue coupable, la Cour
supérieure s’étant limitée pour sa part à interpréter le terme « quiconque »
employé dans la définition de l’infraction dans la loi en cause (Loi sur la
santé et la sécurité au travail). L’instance d’appel se limite à conclure
que le sens ordinaire du terme « quiconque » inclut toute personne et
donc, à ses yeux, une société en commandite. Le problème se résumerait en
apparence à ceci : « Dans [la L.s.s.t.], l’utilisation du vocable « quiconque »
se rattache davantage à l’élargissement du concept de la « personne ». Dans son
sens ordinaire, il inclut « toute personne » qu’elle soit une personne
physique, une personne morale, une société en commandite ou en nom collectif.
La loi vise un grand éventail de personnes. Il n’existe aucune limitation ou
forme de restriction qui se rattache au statut juridique accordé [sic] à «
quiconque ». » (par. 36). Elle ne cite à l’appui de sa position aucune
référence. »
« Dans la loi en cause comme dans la plupart
des lois à caractère pénal en droit québécois, le législateur a prévu que la
peine variera selon que l’infraction est commise par une personne morale ou une
personne physique, sans prévoir la possibilité qu’elle puisse être commise par
une société, sans doute parce que le législateur tient pour acquis que ce sont
les membres de la société qui seront poursuivis lorsqu’une infraction est
commise. La Cour supérieure aurait pu retenir que, la société en commandite
accusée en l’espèce n’étant ni une personne morale ni bien sûr une personne
physique, elle ne pouvait pas être déclarée coupable, seuls ses membres pouvant
l’être. Malheureusement, elle se borne à écarter la position tenue par le
poursuivant, lequel demandait à tort que soit imposée à la défenderesse la
peine prévue par la loi pour les personnes morales alors qu’il s’agissait d’une
société en commandite, donc qu’il ne s’agissait clairement pas d’une personne
morale (par. 51). Constatant que le législateur n’a rien prévu dans la Loi
sur la santé et la sécurité au travail pour les sociétés en commandite (ce
qu’elle tient pour un vide juridique sur le plan de la peine (par. 47) et même comme un manquement, un oubli dans le
texte de loi (par. 52)), la Cour supérieure conclut que la peine à
appliquer doit alors être celle qui est déterminée par l’article 232 C.p.p.
ainsi libellé : « Lorsqu’une loi ne prévoit aucune peine pour la sanction d’une
infraction, la peine est une amende de 50 $ à 2 000 $ ». Il est bien difficile
de comprendre comment la Cour supérieure peut retenir ici que la loi ne
prévoirait aucune peine pour la sanction de l’infraction alors
qu’elle-même a constaté, plus avant dans ses motifs, justement à propos de la
loi en cause : « Le législateur, de façon expresse, précise la peine à imposer
à une personne physique et à une personne morale. Il distingue des quantums
différents pour les personnes physiques et les personnes morales. L’aspect
pénal est restreint aux deux seuls sujets clairement identifiés (personne
physique et personne morale). Aucune autre personne n’est visée par les peines
prévues. » (par. 40-41). La juge semble avoir été bien préoccupée par le fait
que la protection des travailleurs semblait mise en péril à ses yeux s’il
fallait considérer qu’en raison de son statut (société en commandite) la
défenderesse n’était pas « soumise à la loi et à la réglementation » (par. 52).
Elle semble lui avoir échappé que l’objectif de la loi n’aurait aucunement été
mis en péril si la poursuite pénale avait été dirigée plutôt contre les membres
de la société en commandite que contre la société en commandite elle-même. Quoi
qu’il en soit, elle ne
pouvait pas s’appuyer ici sur l’article 232 C.p.p. pour imposer à une société
une peine alors que le législateur n’en avait prévue que pour les personnes
physiques et les personnes morales mais non pour les sociétés. Il ne s’agit
clairement pas d’un cas où le législateur n’aurait prévu aucune peine pour la
sanction de l’infraction. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, cet arrêt de la
Cour supérieure ne devrait pas être suivi sauf dans les très rares cas où le
législateur a clairement marqué sa volonté de rendre une société sujette à une
poursuite pénale. »
[1] L.R.Q., c. C-25.1, ci-après : « C.p.p. » ou simplement « code »..
[2] L.R.Q., c. P-15, ci-après : « L.p.s. ». Il s’agit d’une loi des années 20 dont le langage était devenu vétuste, la procédure qu’elle édictait n’étant plus adaptée aux exigences de la réalité moderne.
[3] M. le juge Lamer, juge en chef du Canada, en « Préface » à l’ouvrage des auteurs Gilles LÉTOURNEAU et Pierre ROBERT, Code de procédure pénale du Québec annoté 1995, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 1995, p. vii; les éditions publiées par la suite (dont la 9e édition parue en 2011, loc. cit., note 5) ne reproduisent pas cette préface.
[4]
Voir
dans le code le renvoi à des lois particulières ou sectorielles, ou au Code de procédure civile (L.R.Q., c. C-25, ci-après : « C.p.c. »), notamment aux articles
14, al. 2, 34, 61, etc. Voir aussi l’article 73 de la Loi sur le ministère
du Revenu (L.R.Q., c. M-31) qui confère
préséance aux dispositions d’une loi fiscale sur les dispositions de toute
autre loi régissant la procédure ou les poursuites pénales, donc préséance sur
celles du code. Particulièrement à propos de la portée de cette disposition
dérogatoire, voir l’arrêt Sous-ministre du Revenu c. Létourneau, sub.
nomine Procureur général du Québec c. Létourneau, J.E. 97-392, REJB
1997-02854 (C.A.). Voir dans le même sens, Descôteaux c. Québec
(Sous-ministre du Revenu), REJB 2002-28342 (C.A.). Voir infra, note
80 et le texte qui l’accompagne.
[5]
L.R.C. (1985), c. C-46. En droit pénal québécois, il
faut vérifier dans chacune des lois sectorielles si elle contient des
dispositions sur la complicité ou sur la manière de participer à l’infraction.
Par exemple, la Loi sur les produits alimentaires (L.R.Q., c. P-29) prévoit ceci : « Art. 46 –
Lorsqu’une personne morale commet une infraction [...], tout dirigeant,
administrateur, associé, salarié ou mandataire de cette personne qui a prescrit
ou autorisé l’accomplissement de l’infraction ou y a consenti, acquiescé ou
participé, est réputé être partie à l’infraction et est passible des peines
prévues [...], que la personne morale ait été ou non poursuivie ou déclarée
coupable. » Voir plus généralement sur la question de la complicité, notamment
celle de la personne morale ou de ses administrateurs, G. LÉTOURNEAU et P.
ROBERT, Code de procédure pénale du Québec annoté 2011, 9e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 119 à127. À noter que, lorsque la
loi particulière ne renferme pas de disposition spécifique sur la complicité –
en prévoyant par exemple que la personne qui aide à commettre l’infraction
devient partie à l’infraction ou en commet une elle aussi – les tribunaux
auront tendance à prononcer l’acquittement. Ainsi, dans Laflamme c.
Vallée-Jonction (Municipalité de), 2009 QCCS 5754 (CanLII), 2009 QCCS 5754, EYB
2009-167269, la Cour supérieure a acquitté le défendeur qui admettait avoir
aidé une personne à commettre une infraction (violation d’un règlement
municipal sur la sollicitation dans la municipalité) : « Ce règlement est
toutefois muet en ce qui concerne celui qui aide, qui encourage, qui conseille
ou qui incite quelqu’un à solliciter un don sans permis. » (par. 23). Comme la
preuve révélait que le défendeur avait aidé une personne à faire une action
interdite par le règlement, mais qu’il n’avait pas lui-même accompli cette
action, la Cour supérieure a accueilli l’appel et acquitté le défendeur (par. 24
et 25). Voir aussi Québec (Procureur général) c. Ouellet, 2009 QCCQ 7219 (CanLII), 2009 QCCQ 7219, EYB 2009-162947
: « Les règles sur la complicité ne trouvent pas application dans la présente
affaire puisque ni le Code de procédure pénale [référence omise] ni la Loi sur
les forêts ne prévoient la complicité comme mode de participation à
l’infraction. » (par. 97, cité avec approbation par la Cour supérieure dans Laflamme
c. Vallée-Jonction (Municipalité de), précité, par. 18). D’aucuns
prétendent qu’il s’agit là d’un trop grand formalisme puisque la common law
supplée le silence du législateur. Une telle approche n’est pas sans risque et
ne correspond pas à l’état de la jurisprudence majoritaire sur le sujet,
divergeant d’ailleurs de la position prise par la Cour d’appel dans Autorité
des marchés financiers c. Lacroix, 2009 QCCA 1559 (CanLII), 2009 QCCA 1559, EYB
2009-162982. Dans cette affaire, la Cour d’appel n’a pas puisé dans la common
law pour trancher la question de savoir si, en l’absence de disposition
législative sur le sujet, un juge peut imposer des peines consécutives. Elle a
plutôt décidé que le juge n’avait pas ce pouvoir lorsque ni le code ni la loi
particulière ne le lui accorde spécifiquement (par. 51, 53 et 56). Dans Laflamme
c. Vallée-Jonction (Municipalité de), précité, la Cour supérieure n’a pas
non plus eu recours à la common law, s’étant plutôt demandé si le silence du
législateur québécois sur la complicité pouvait être comblé par les
dispositions de l’article 21 (1) c) du
Code criminel (par. 8). Elle ne répond pas formellement à cette question, mais
la façon dont elle a tranché le litige montre qu’elle n’a pas appliqué le Code criminel, ce qui aurait été une erreur
dans ce contexte, car seule la common law aurait pu ici servir à combler le
silence du législateur québécois et non le Code criminel.
[6]
6. Procureur
général du Québec c. Gagnon, REJB 2000-17712, p. 2. Dans
l’arrêt Brossard (Ville de) c. Bhaloo, 2010 QCCA 5 (CanLII), 2010 QCCA 5, EYB 2010-167980,
la Cour d’appel a infirmé un jugement de la Cour supérieure 2009 QCCS 4506 (CanLII), (2009 QCCS 4506, EYB 2009-164654)
qui confirmait un jugement rendu par une cour municipale ayant refusé au
représentant de la municipalité de Brossard, sur le territoire de laquelle une
infraction à la circulation (arrêt obligatoire) avait été commise, une demande
visant à corriger l’erreur du policier qui avait délivré le constat
d’infraction en cochant par simple inadvertance, à la case « poursuivant », le
nom d’une autre municipalité (Ville de Longueuil), le défendeur ne s’opposant
pas par ailleurs à la modification demandée. La Cour supérieure siégeant en
appel estimait que la municipalité de Brossard ne pouvait interjeter appel de
la décision de première instance lui ayant refusé la modification au motif
qu’elle ne se qualifiait pas aux termes de l’article 268 C.p.p. : « Constatant
le défaut de qualification de l’appelante, le tribunal doit rejeter l’appel. »
(par. 12). Pour sa part, la Cour d’appel juge que, puisqu’elle était présente
devant le juge municipal et qu’elle avait présenté la preuve que l’infraction
avait été commise sur son territoire, la Ville de Brossard pouvait interjeter
appel aux termes de l’article 268 ou subsidiairement qu’elle aurait pu se
pourvoir en révision judiciaire aux termes de l’article 265 (par. 23 et 24). La
Cour d’appel reproche clairement à la Cour supérieure d’avoir fait fi du
principe suivant lequel le code « rompt définitivement avec tout formalisme
procédural » (par. 30). Dans Bolduc c. Montréal (Ville de), C.S., no 500-36-005161-099, 8 février 2010, EYB
2010-171239, la Cour supérieure avait à déterminer si l’exigence de signature
du constat d’infraction (prévue par le Règlement sur la forme des constats
d’infraction,R.R.Q., c. C-25.1, r. 1)
était satisfaite dans le cas d’un constat d’infraction sur support
informatique. Puisqu’on constatait au constat d’infraction l’apposition, par
procédé électronique, du nom et prénom du policier l’ayant délivré ainsi que de
son numéro de matricule et le numéro de son unité, la Cour supérieure a conclu
que les exigences formelles de la signature étaient satisfaites : « L’ajout de
son numéro de matricule et de son numéro d’unité a rendu sa signature
distinctive en ce qu’elle permet au défendeur d’individualiser, sans doute
possible, l’agent qui a attesté les faits mentionnés au constat d’infraction. »
(par. 20). Ayant rappelé qu’il faut aussi garder à l’esprit l’objet de la loi
(ici, permettre au défendeur d’identifier la personne à assigner, le cas
échéant), elle insiste sur le fait que la forme doit s’incliner devant le fond
(par. 22). Vu l’absence de préjudice pour le défendeur, elle refuse ici
d’accueillir l’appel du défendeur au motif qu’elle ferait ainsi triompher la
forme sur la substance en l’absence d’une démonstration que le prétendu vice a
causé un préjudice quelconque au défendeur (par. 23). La Cour d’appel a
confirmé ce jugement dont elle dit adopter les motifs : Bolduc c. Montréal
(Ville de), 2011 QCCA 1827 (CanLII), 2011 QCCA 1827, EYB
2011-196569 (par. 11), répétant que la fond doit l’emporter sur la forme et
qu’« un défaut de forme qui ne cause pas de préjudice ne constitue pas une
violation de la loi » (par. 20). Dans le même sens, voir Desmarais c.
Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2012 QCCA 480 (CanLII), 2012 QCCA 480, EYB
2012-203702, par. 25 (la procédure doit être utilisée avec souplesse). Voir aussi Procureur général du
Québec c. Pointe-Claire (Ville de), C.S.M., no 500-36-002925-025, 28 mars2003, EYB
2003-39705 (permission d’interjeter appel refusée par la Cour d’appel le 26 mai
2003, no 500-10-002565-032), où la Cour supérieure rappelle que la
procédure pénale doit demeurer la servante du droit : « qu’on aille au fond des
choses » (par. 50, p. 8), tranche-t-elle, après avoir cité (par. 42, p. 7)
l’arrêt R. c. Sault Ste-Marie, 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299, EYB
1978-147041, par. 13 : « Nous devons examiner le fond des choses et non pas des
formalités insignifiantes. ». Voir aussi Directeur des poursuites
criminelles et pénales c. Berger, 2011 QCCQ 12195 (CanLII), 2011 QCCQ 12195, EYB
2011-197126. Sur la situation antérieure à l’adoption du Code de procédure
pénale, voir Gilles LÉTOURNEAU, « Le Code de procédure pénale : éléments de
problématique et de solution », (1988) 19 R.G.D.
151-169. Sur l’absence de formalisme dans l’application du code et de la procédure
pénale.
[7]
Association
des courtiers et Agents immobiliers du Québec c. Hudon, REJB
2000-17376 (C.S.), par. 16.
[8]
L’article
61 (10) de la Loi d’interprétation (L.R.Q., c. I-16) précise que le mot « loi »
employé dans une loi sans qualificatif vise les lois du Québec. Le
développement d’Internet a conduit des défendeurs astucieux à tenter d’échapper
à l’application des lois et règlements du Québec en faisant valoir que les
contrats conclus dans l’Internet échappaient à la compétence territoriale des
tribunaux québécois au motif principal qu’ils n’auraient pas été conclus au
Québec. La Cour supérieure a dû se poser la question à propos d’une vente de
médicaments conclue par Internet : « But where did this sale take place? » (Prescriptions
4us Inc. c. Ordre des pharmaciens du Québec, C.S., no 500-36-003204-032, 25 juin 2004, EYB
2004-66461, par. 43). Appliquant simplement les règles du contrat (en
particulier l’article 1387 C.c.Q.), elle a estimé que la vente avait bel et bien eu lieu à Montréal,
l’offre provenant de cet endroit alors que le vendeur y avait son siège et y
ayant été acceptée. Le fait que l’acheteur ait procédé par l’Internet n’y
changeait rien : « The purchaser, Mr. Lewis, was on a computer. While the location of this computer is not given, it could have been
anywhere, as Mr. Lewis completed the forms provided by RX4US on its web site
and sent it back to RX4US in Montreal. Thus, the place of the offer and the
place where the acceptance was received by the vendor, RX4US, are identical –
namely Montreal, Quebec. » (par. 44). Voir dans le même
sens Ordre des pharmaciens c. Prescriptions 4US Inc., C.Q., no
500-61-176333-038, 3 juin 2005, EYB
2005-91294.
[9]
R.
c. Terrasses St-Sulpice Inc., 1994 CanLII 5653 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1179, 1182,
EYB 1994-58982 (C.A.). Voir aussi Farnham (Ville de) c. Charron, J.E.
95-460, EYB 1995-64590 (C.A.); M.R.C. de Bonaventure c. Fulham, C.Q., no 105-61-009274-043
, 22 octobre2004, EYB
2004-72034, par. 35 : « Le Code de procédure pénale est la législation générale
en droit québécois. Le code réglemente les procédures de nature pénale,
c’est-à-dire les procédures visant la sanction pénale d’une infraction. La
source historique du droit pénal provincial est la common law anglaise. »; Sous-ministre
du Revenu c. Létourneau, précité, note 4, p. 5. Voir enfin la note 80 et le
texte qui l’accompagne; voir aussi Ville de Montréal c. Gagné, 2008 CanLII 65906 (QC CM), 2008 CanLII 65906 (C.M.
Montréal), par. 28 et 29.
[10]
Les
tribunaux ont établi le principe suivant lequel le droit disciplinaire est un
droit sui generis et qu’il faut alors éviter de tracer un parallèle trop
étroit avec le droit pénal (Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du
Québec, 1992 CanLII 3299 (QC CA), [1992] R.J.Q. 1822, EYB
1992-63846 (C.A.); Latulipe c. Tribunal des professions, C.A. Montréal,
no 500-09-002756-963, 5 juin 1998,
REJB 1998-06604). Par exemple, relèvent du droit disciplinaire, les poursuites
engagées en vertu des codes de déontologie des divers ordres professionnels,
dont le Code de déontologie des avocats (R.R.Q., c. B-1, r. 3) et le Code des
professions (L.R.Q., c. C-26) ainsi que la Loi sur le
Barreau (L.R.Q., c. B-1, art. 132 et 133)
devant une instance disciplinaire, soit le Comité de discipline ou le Tribunal
des professions. Un même acte peut entraîner pour son auteur des conséquences à
la fois pénales et disciplinaires. Pour les poursuites pénales, on appliquera
le Code de procédure pénale ainsi que les lois particulières pertinentes (dont
le Code des professions qui prévoit à son article 189 (1) que les poursuites
pénales pour exercice illégal de la profession sont intentées par l’ordre
professionnel ou l’un de ses membres en conformité avec l’article 10 C.p.p.),
alors que les mesures disciplinaires seront régies par d’autres dispositions
(par exemple, l’article 123 de la Loi sur le Barreau). Rien n’interdit
que le législateur soumette un même acte à la fois à une action disciplinaire
et à une poursuite pénale : R. c. Wigglesworth, 1987 CanLII 41 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 541
, EYB
1987-67959; Bisson c. Beaudoin, REJB 1997-2173 (C.S.). Sur les droits
constitutionnels du défendeur poursuivi pour une infraction criminelle ou
pénale et qui fait l’objet d’une enquête administrative ou disciplinaire, voir
particulièrement British Columbia Securities Commission c. Branch, 1995 CanLII 142 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 3
, EYB
1994-66968 et Phillips c. Nouvelle-Écosse, 1995 CanLII 86 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 97, EYB
1994-67366. Un défendeur accusé d’avoir fait défaut de respecter une ordonnance
judiciaire ou administrative ne peut, en défense, en soulever l’illégalité
lorsqu’il aurait pu l’attaquer directement au moyen des recours prévus dans la
loi, tel un appel administratif, mais qu’il a négligé de se prévaloir de cette
possibilité : R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., 1998 CanLII 820 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 706, REJB
1998-06181; R. c. Al Klippert Ltd., 1998 CanLII 821 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 737, REJB
1998-06182. Dans Ferenczy c. Adler, AZ-50086288 (T.P.), 4 mai 2001, le
tribunal siégeant en appel estime qu’un comité de discipline a erré en droit en
se référant au code pour interpréter la notion d’« intérêt requis ». Par
ailleurs, la Cour supérieure a statué que le code ne s’applique, suivant son
article premier, qu’à la poursuite des « infractions aux lois », excluant ainsi
les lois qui décrètent l’inhabilité à exercer une charge municipale d’un membre
d’un conseil si cette loi ne crée par d’infraction : L’Heureux c. Gagnon,
REJB 2000-16200 (C.S.). Voir également Chambre des notaires du Québec c.
Dugas, REJB 2002-35787 (C.A.), où la cour conclut que les amendes imposées
par un Comité de discipline d’un ordre professionnel ne sont pas des amendes au
sens du code et donc qu’elles ne sont pas purgées par la faillite du
professionnel.
[11] L.C., c. 47 et ses modifications. Cette loi dispose que le gouvernement fédéral peut qualifier de « contravention » une infraction à une loi ou à un règlement fédéral (art. 8 (1) a) et prévoir, par règlement, que les lois provinciales – avec leurs modifications successives – s’y appliquent (art. 65.1 (1). Cela avait été fait pour l’Ontario, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique (Règlement sur l’application de certaines lois provinciales (DORS/96-312, 20 juin 1996),(1996) 130 Gaz. Can. II, 2116 (no 14, 10 juillet 1996). Depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 1999, du nouveau Règlement modifiant le Règlement sur l’application de certaines lois provinciales, (DORS/99-180, 15 avril 1999,(1999) 133 Gaz. Can. II, 1195 (no 9, 28 avril 1999), son annexe en est modifiée par l’adjonction de la Partie VII intitulée Province de Québec afin de rendre applicables aux contraventions commises au Québec le Code de procédure pénale et ses règlements d’application, et cela, à compter de sa date d’entrée en vigueur fixée par l’article 2, soit au 1er mai 1999. Dans R. c. Reda, 2008 QCCS 3290 (CanLII), 2008 QCCS 3290, EYB 2008-141449, la Cour supérieure a conclu qu’une infraction à la Loi sur le droit d’auteur ne pouvait être traitée en vertu du Code de procédure pénale (et donc, ne donnait pas ouverture à un droit d’appel en vertu de ce code), n’étant pas énumérée à l’annexe I du Règlement sur les contraventions. Le renvoi à ce code et à ses règlements est cependant limité, car on en exclut certaines dispositions relatives à l’imposition des peines, notamment celles qui ont trait à l’emprisonnement : les articles 166.1, 232, 234, 235, 238 à 242, 277, 288, et 318 à 350 du code ne s’appliquent pas aux contraventions. Ce règlement prévoit aussi que l’amende que peut imposer un tribunal lors de la poursuite d’une contravention ne peut dépasser le montant fixé par le gouverneur en conseil. Cette limite vise le montant de l’amende, et non celui des frais. On trouve le montant de l’amende dans chacune des lois sectorielles de sorte qu’une même infraction, commise en territoire fédéral dans des lieux visés par deux lois distinctes (par exemple, dans un parc national ou dans un aéroport), pourra être sanctionnée par une amende différente. Pour plus de commodité, on peut, pour retrouver le montant de l’amende, se référer au Règlement sur les contraventions (DORS/96-113, 20 juin 1996) dont l’annexe I fournit une liste des infractions qui ont été qualifiées de contravention et les montants de l’amende correspondants (DORS/97-161 et DORS/97-208). La Loi sur les contraventions, à l’instar du code (art. 233), fixe à cent dollars le montant maximal de l’amende qui peut être imposé à un mineur (art. 8 (4), à moins qu’il ne s’agisse d’une infraction de stationnement. Cependant, à la différence du code québécois qui fixe à son article 5 la responsabilité pénale à 14 ans, la Loi sur les contraventions la fixe plutôt à 12 ans (voir la définition du mot « adolescent » à la Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. (1984), c. Y-1, art. 2). Par ailleurs, on y applique le Chapitre XIII du Code de procédure pénale en matière de recouvrement du produit de toute amende ou confiscation en vertu du Code criminel ou d’une loi pénale fédérale : voir, en ce sens, la Loi sur le paiement de certaines amendes, (L.R.Q. c. P-2), ainsi que l’article 734.6 (1) du Code criminel. Depuis l’adoption de la Loi de 1996 visant à améliorer la législation pénale (L.C. 1997, c. 18), la signification et la preuve de la signification d’une assignation, d’une sommation ou de tout autre document en application du Code criminel peuvent se faire en conformité avec le droit provincial applicable à la signification des actes judiciaires liés à la poursuite des infractions provinciales (art. 701.1 du Code criminel); autrement dit, on peut appliquer la section V du Chapitre premier du code, intitulé « signification des actes de procédure » (art. 19 à 29), et peut-être aussi la section III du Chapitre IV consacrée à la « signification du constat d’infraction » (art. 156 à 159). On applique également le Chapitre XIII du code pour l’exécution de la peine et des frais imposés lorsqu’une personne est déclarée coupable d’outrage au tribunal en vertu du Code de procédure civile (voir l’article 54 C.p.c.).
[12] C’est pourtant ce que la Cour supérieure fait dans R. c. Gallant, no 615-36-000053-032, 21 avril 2005, EYB 2005-89547 (C.S.), le juge s’appuyant curieusement sur l’article 286 C.p.p. pour justifier les limites de son pouvoir d’intervention dans le cadre d’un appel interjeté à l’encontre d’une condamnation prononcée aux termes des articles 253 a) et 255 (1) du Code criminel (conduite d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies par l’alcool). La Cour supérieure aurait cependant pu à bon droit se référer à cette disposition du droit pénal québécois s’il s’était agi d’un appel interjeté dans le cadre d’une infraction à laquelle on aurait rendu applicable la Loi sur les contraventions, car en pareil cas le Code de procédure pénale aurait été applicable par renvoi (voir R. c. Reda, précité, note 14). On retrouve de telles « contraventions » dans diverses lois et règlements, dont à titre d’illustration la Loi sur le ministère des transports (L.R.C. (1985), c. T-18), la Loi sur la protection des eaux navigables (L.R.C. (1985), c. N-22), la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (L.R.C. (1985), c. M-7), la Loi sur les parcs nationaux (L.R.C. (1985), c. N-14), la Loi sur la défense nationale (L.R.C. (1985), c. N-5), la Loi sur les ports et les installations portuaires publics (L.R.C. (1985), c. P-29), la Loi sur la radiocommunication (L.R.C. (1985), c. R-2), la Loi sur l’administration de la voie maritime du Saint-Laurent (L.R.C. (1985), c. S-2), la Loi de 1987 sur le transport routier (L.R.C. (1985), c. 29), la Loi sur la santé des non-fumeurs (L.R.C. (1985), c. 15 (4e suppl.). Par exemple, cette dernière loi fixe à 1000 $ l’amende dont est passible l’employeur qui ne veille pas à ce que personne ne fume dans un lieu de travail ou qui fait défaut d’informer les employés ou le public de l’interdiction de fumer (art. 11). Cette liste des lois (et des règlements) contenant certaines infractions ayant été qualifiées de contravention n’est pas exhaustive. Certaines d’entre elles sont du reste d’application très courante, telle la Loi relative à la circulation sur les terrains de l’État (L.R.C. (1985), c. G-6) et son règlement (C.R.C., c. 887) ou encore la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (L.C., c. 26) et particulièrement certains de ses règlements : le Règlement sur les petits bâtiments (DORS/2010-91, 29 avril 2010, Gaz. Can. II, vol. 144, no 10, 12 mai 2010, p. 723 et s.); le Règlement sur les restrictions visant l’utilisation des bâtiments (DORS/2008-120, 17 avril 2008, Gaz. Can. II, 30 avril 2008, vol. 142, no 9, p. 807 et s.); le Règlement sur la compétence des conducteurs d’embarcation de plaisance (DORS/99-53, 15 janvier 1999, Gaz. Can. II, 3 février 1999, vol. 133, no 3, p. 397 et s.) applicable aux embarcations de plaisance dont les motomarines.
[13] Thérien c. Pellerin, 1997 CanLII 10408 (QC CA), [1997] R.J.Q. 816, 832, REJB 1997-00259 (C.A.). Dans le même sens, voir L’Heureux c. Gagnon, précité, note 13; Bombardier c. Régie des marchés agricoles et alimentaires, 2008 QCCS 2378 (CanLII), 2008 QCCS 2378, EYB 2008-134448, par. 21 et 22.
[14]
Les
juges de paix et les juges de paix magistrats qui peuvent exercer des pouvoirs
d’adjudication en vertu du code sont nommés en vertu de la Loi sur les
tribunaux judiciaires (L.R.Q., c. T-16, art. 173 et 181 ainsi
que l’annexe V). Dans Desmarais c. Directeur des poursuites criminelles et
pénales, précité, note 6, la Cour d’appel aborde la question des pouvoirs
des juges de paix magistrats de rendre certaines ordonnances accessoires au
procès pénal, telles des ordonnances destinées à protéger l’identité des
témoins. Examinant la Loi sur les tribunaux judiciaires (annexe V) et le
code (dont les articles 3, 61 et 194), elle conclut qu’ils peuvent, lorsqu’ils
doivent statuer sur une accusation portée en vertu d’une loi pénale
provinciale, « notamment exercer les pouvoirs complémentaires ou accessoires à
[leur] compétence » (par. 23). Plus spécifiquement, elle conclut qu’ils peuvent
permettre le témoignage derrière un paravent : « L’article 194 du Code, qui
autorise un juge de paix magistrat à prononcer le huis clos, lui permet aussi
de prononcer une ordonnance moins restrictive à la condition expresse que
l’intérêt de la morale ou l’ordre public le justifie. Je conclus donc à la
compétence du juge de paix magistrat de prescrire le témoignage derrière un
paravent. » (par. 33) Ils ont aussi compétence pour rendre des ordonnances de
non-publication (par. 35) et pour protéger l’identité de certains témoins en
leur permettant de témoigner sous un pseudonyme (par. 38). Des dispositions
particulières déterminent la compétence matérielle et territoriale des cours municipales
et donc la compétence des juges qui les président : voir la Loi sur les
cours municipales (L.R.Q., c. C-72.01) ainsi que les dispositions
constitutives de chacune des cours municipales, qui fixent notamment leurs
limites territoriales. Voir plus loin, la note 127 et le texte qui l’accompagne
(limites d’une cour municipale en fonction du lieu où l’infraction est
commise).
[15]
Précitée,
note 14. Voir à l’article 2 de la Loi sur le système de justice pénale pour
les adolescents, L.C. 2002, c. 1, la définition du mot «
adolescent ».
[17]
2011 QCCS 5630 (CanLII), 2011 QCCS 5630, EYB
2011-197459, confirmant la décision rendue en première instance par la Cour du
Québec : 2010 QCCQ 9503 (CanLII), 2010 QCCQ 9503, EYB
2010-181635.